16 novembre 2008 – 33ème dimanche ordinaire A

Chapitre à la Communauté de Scourmont.

 

Le Jour du Seigneur

 

            En cette fin d’année liturgique, les textes bibliques que nous offre le lectionnaire de la Messe ont de plus en plus une saveur eschatologique.  Ils nous parlent de la fin des temps.  Il n’est pas toujours facile de savoir ce que signifie cette expression ; et cela n’est pas surprenant, car son sens n’est pas le même dans tous les écrits du Nouveau Testament et on sait qu’il a évolué au cours des premières générations chrétiennes y compris dans la pensée d’un même auteur, comme saint Paul, par exemple.

 

            La deuxième lecture de la messe d’aujourd’hui est la dernière d’une série de lectures tirées de la 1ère lettre de Paul aux Thessaloniciens. Dans la seconde partie de cette lettre Paul donne aux Thessaloniciens une série de recommandations pour leur vie chrétienne, en particulier concernant la sexualité, l’exercice de la charité fraternelle et le bon ordre communautaire.  Puis il parle de la venue du Seigneur et en tire un certain nombre de conséquences pour la vie du Chrétien.  C’est la section de la Lettre que nous lisons aujourd’hui.

 

Première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens (1Th 5, 1-6)

01  Frères, au sujet de la venue du Seigneur, il n'est pas nécessaire qu'on vous parle de délais ou de dates.
02  Vous savez très bien que le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit.
03  Quand les gens diront : « Quelle paix ! quelle tranquillité ! », c'est alors que, tout à coup, la catastrophe s'abattra sur eux, comme les douleurs sur la femme enceinte : ils ne pourront pas y échapper.
04  Mais vous, frères, comme vous n'êtes pas dans les ténèbres, ce jour ne vous surprendra pas comme un voleur.
05  En effet, vous êtes tous des fils de la lumière, des fils du jour ; nous n'appartenons pas à la nuit et aux ténèbres.
06  Alors, ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres.

 

 

Ce dernier verset (le verset 6) n’est que le début d’une série de recommandations que Paul considère comme des conséquences du fait que nous sommes non pas des enfants des ténèbres mais des fils de la lumière.

 

Les exégètes ont depuis longtemps analysé les conceptions de Paul sur la fin des temps et ont montré comment on peut suivre une évolution de ces conceptions dans les Lettres successives. Il y a évidemment des interprétations différentes d’un exégète à l’autre, mais il ne fait pas de doute pour personne qu’il y a eu une évolution constante chez Paul.  Tout d’abord il pensait que le Seigneur reviendrait très rapidement. Puis, lorsque commencèrent à mourir des membres des communautés chrétiennes il se posa la question du sort de ceux qui seraient défunts lors du retour du Seigneur, et qui seraient différent du sort de ceux qui ne mourraient pas mais seraient transformés.  Puis l’évidence s’imposa graduellement, que le retour ne serait pas dans l’immédiat. 

 

On peut constater une évolution semblable dans les Synoptiques, correspondant à une évolution dans la Communauté chrétienne primitive. Et tout cela nous apporte une lumière très intéressante sur la nature de l’Écriture Sainte.  Les textes du Nouveau Testament ne sont pas, comme on a pu le croire à une certaine époque et comme certains groupes fondamentalistes peuvent le croire encore aujourd’hui, des textes « dictés » par le Saint Esprit.  Ils nous transmettent l’expérience spirituelle des auteurs de ces Livres.  Ils sont la Parole de Dieu incarnée non seulement dans un langage humain, mais dans une histoire humaine.  La Parole a été reçue par ces témoins, elle a façonné leur vie, leurs croyances, leurs attentes, en un mot leur expérience spirituelle.  Et c’est cette expérience qu’ils nous transmettent et non une parole abstraite ou des textes qui leur auraient été « dictés ». La Parole de Dieu nous parvient toujours incarnée dans une expérience humaine liée à un contexte historique, social, psychologique ; et doit donc toujours être interprétée.

 

Dans le petit texte de Paul que nous avons ce matin, un mot est important, c’est le mot « jour ». Ce mot, typiquement évangélique, est plus important que les autres éléments empruntés par Paul à l’apocalyptique juive ambiante, qu’on retrouve dans les Synoptiques (et qu’on retrouvait aussi à Qumrân).  « Vous savez bien – dit Paul – que le jour du Seigneur viendra... » Tout l’Ancien Testament était tendu vers la venue du Messie considérée comme « Le jour du Seigneur ».  Dans le Nouveau Testament, la naissance de Jésus est vue comme la réalisation de cette attente ; mais en même temps toute la vie chrétienne est tendue vers un retour eschatologique, perçu d’abord comme imminent, puis perçu comme devant se manifester à la fin des temps – qui peut être très lointaine – puis enfin perçu comme un retour constant dans la vie de la communauté ; et l’on commence alors à parler du dimanche comme « Jour du Seigneur ».

 

Dans notre texte d’aujourd’hui Paul joue un peu sur les mots.  Il dit d’abord que ce « jour » viendra comme un voleur dans la nuit.  Il surprendra donc ceux qui vivent dans les ténèbres, qui se bercent d’une fausse paix.  Mais vous, dit-il à ses Chrétiens, vous n’êtes pas dans les ténèbres.  Ce jour ne vous surprendra donc pas. En effet, dit-il, nous n’appartenons pas aux ténèbres, mais à la lumière. Il convient donc que nous vivions non pas « endormis » comme les autres – c’est-à-dire les païens – mais éveillés, vigilants et sobres. 

 

Nous retrouvons la même exhortation chez saint Benoît dès le début du Prologue de sa Règle – citant un autre texte de Paul (Rom. 13,11) : « Il est temps pour nous de sortir du sommeil ». On pourrait donc dire que la vie monastique est une vie constamment éveillée, constamment dans l’attente de ce « Jour » que non seulement nous attendons, mais dans la lumière duquel nous baignons. C’est pourquoi la prière continuelle – de jour et de nuit – est si importante pour nous.  Elle est notre façon de vivre constamment à la lumière de ce « Jour » qui n’a pas de déclin.

 

Armand VEILLEUX

 

 


 

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