Chapitre du 19 octobre 2008

29ème dimanche « A »

 

 

Des vertus théologales incarnées

 

 

            L’Évangile d’aujourd’hui, avec la recommandation de Jésus de « rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » est d’une actualité tout à fait spéciale en cette période de remous financiers où des fortunes se défont sur les terrains de jeu de la bourse.  Mais je laisse à l’homéliste du jour de nous commenter cet évangile.

 

            J’aimerais quand même revenir sur une réflexion de saint Augustin que nous avions ce matin dans la lecture du troisième nocturne, et qui se rapportait à cet évangile, même si c’était en réalité un commentaire du psaume 94 et non pas un commentaire de l’Évangile. 

 

            Augustin y fait un lien entre cette scène de l’Évangile et tout l’enseignement patristique, repris par les Cisterciens du 12ème siècle, sur le thème de la ressemblance. Ce thème est évidemment très cher à Augustin : nous avons été créés à l’image de Dieu et cette image est toujours présente en nous même lorsqu’elle a été déformée.  D’habitude les Pères, y compris Augustin, disent que l’image a été recouverte par la boue de nos péchés, et qu’au fur et à mesure qu’elle est purifiée par la conversion et la miséricorde divine, elle apparaît de nouveau dans toute sa beauté originelle.  Dans le commentaire du psaume 94, d’où était tirée la lecture d’Augustin que nous avons entendue ce matin, il utilise une autre image.  Il dit que lorsque Dieu nous pardonne l’image perdue est recouvrée, qu’elle se renouvelle au fond de notre coeur, parce qu’elle est en quelque sorte resculptée sur le denier de notre âme.  Et il continue en disant qu’alors est réalisée la parole de Jésus : « rendez à Dieu ce qui est à Dieu ».  Nous sommes en effet alors « récupérés » (c’est le mot qu’il emploie) dans le trésor de Dieu.

 

            Les réalités spirituelles ne peuvent jamais être décrites dans un langage abstrait, logique et exact.  C’est le langage symbolique qui leur convient le mieux ; et saint Augustin est certainement l’un de ceux qui ont le mieux manié l’usage du symbole pour parler de Dieu et des réalités divines. Et ce qu’il dit ici de la conversion est tout à fait approprié au moment où nous commençons ce soir notre Visite Régulière, qui est un moment de conversion communautaire.

 

            Prenons quand même un moment pour dire quelques mots de la seconde lecture de la Messe.  Nous commençons aujourd’hui la lecture de la première Lettre de Paul à l’Église de Thessalonique. En principe c’est la Lettre de Paul qui devrait nous accompagner comme deuxième lecture jusqu’à la fin de l’année liturgique (mais cette année les texte du 31ème dimanche seront remplacés par ceux du 2 novembre et ceux du 32ème par les lectures de la Dédicace du Latran.

 

            Thessalonique était une Église que Paul avait lui-même évangélisée, aux confins de l’empire romain d’Occident, mais dont il avait été chassé par les Juifs qui y avaient une très forte colonie.  Il y était demeuré très attaché, et cet écrit a toute la saveur d’une lettre personnelle.  Nous avons aujourd’hui les premiers versets de cette lettre. Il y a tout d’abord la salutation qui nous dit que c’est une lettre commune de Paul, Silvain et Timothée.

 

            Paul dit qu’il rend grâce à Dieu à tout instant, en faisant mention des Thessaloniciens dans ses prières.  Nous pourrions lire le verset qui suit comme une simple formule stéréotypée. Mais il faut y faire attention car c’est une belle expression de l’essence même de notre vie chrétienne.  La traduction française coupe malheureusement le texte en plusieurs petites phrases, alors que dans le texte grec les versets 2 à 10 de ce chapitre – c’est-à-dire toute la lecture d’aujourd’hui et celle de dimanche prochain – ne forme qu’une seule longue phrase.

 

            De quoi Paul rend-il grâce à Dieu au sujet des Thessaloniciens ? –

 

                        de leur foi qui est active

                        de leur charité qui se donne de la peine

                        de leur espérance qui tient bon en notre Seigneur Jésus-Christ.

 

            On pourrait méditer longuement sur cette façon d’énumérer ce que les théologiens appelleront plus tard les vertus théologales.

 

            La foi ne consiste pas simplement à accepter des vérités révélées ou à croire à des dogmes. Si elle est vraie elle est active.  C’est une façon de vivre.

 

            La charité n’est pas simplement un mouvement du coeur ou un ensemble de réflexes affectifs.  Si elle est vraie, elle se donne de la peine. Elle demande un engagement qui coûte – aussi bien à l’égard de Dieu que des frères.

 

            L’espérance n’est pas une attente passive et facile.  Elle demande un effort constant, une fermeté et une stabilité.  Il s’agit de « tenir bon ». Et on le peut « en notre Seigneur Jésus-Christ ».

           

            Paul conclut que si les Thessaloniciens vivent cela c’est qu’ils ont été choisis. Car cela ne peut être qu’un fruit de la grâce.  Il en conclut autre chose concernant son propre travail d’évangélisation chez eux.  On s’attendrait un peu à ce qu’il dise : « Ce que vous vivez montre que mon travail d’évangélisation n’a pas été vain ».  Mais ce n’est pas ce qu’il dit.  Il dit que cela montre que son annonce de l’Évangile « n’a pas été simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint, certitude absolue ».  Toute parole humaine est vaine – simple parole – si l’Esprit Saint lui-même n’agit pas.

 

            Demandons-lui d’agir en nous de la même façon tout au long de cette semaine.

 

 

Armand Veilleux

 

           

 


 

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