16 mars 2008 - Dimanche de la Passion
Chapitre à la Communauté de Scourmont

 

Écouter

 

Nous avons eu récemment à l'hôtellerie une fin de semaine de récollection pour les laïcs en préparation de la célébration pascale. Les cinq membres de la communauté qui devaient présenter chacun un moment de la célébration du mystère pascal ont choisi un thème commun qui pourrait servir un peu de trame pour toutes ces présentations, Le thème choisi fut celui de l'écoute. Je suggère que nous prenions aussi ce thème dans nos méditations et nos réflexions - personnelles et communautaires - tout au long de cette Grande Semaine que nous commençons aujourd'hui. Aborder toutes les célébrations et les lectures qu'elles comprennent avec un thème précis présent à l'esprit peut nous rendre attentifs à des aspects des textes et des célébrations auxquels nous serions autrement moins attentifs.

Justement, ce thème se trouve très clairement exprimé dès le début de la première lecture de la Messe d'aujourd'hui. On y trouve cette très belle phrase, qui pourrait servir de leitmotiv à tout moine : " La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille pour que j'écoute comme celui qui se laisse instruire. Le Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille... ".

Ce beau texte est tiré du Deuxième Livre d'Isaïe (chapitres 40 à 55). Pour le bien comprendre, il faut le replacer dans son contexte. Dans cette partie du Livre, le prophète se présente comme celui qui est persécuté parce qu'il écoute et transmet la Parole de Dieu. Cette Parole est dérangeante non seulement parce quelle appelle à la conversion mais aussi parce qu'elle montre un visage de Dieu déconcertant pour le Peuple. Le Dieu d'Isaïe n'est pas le plus grand de tous les dieux ; il est le Dieu unique. C'est lui qui a tout créé ; c'est donc lui qui peut aussi tout sauver. Son salut est destiné à tous et non seulement à Israël. Avant de créer Israël il avait créé l'univers et toute l'humanité. Avant de faire alliance avec Abraham il avait fait alliance avec Noé. Tous les enfants d'Adam sont ses fils, l'objet de son amour. Israël, comme tous les autres peuples, s'est détourné de Dieu, et donc le prophète l'appelle à revenir vers lui, à écouter sa voix, à le louer à chanter sa gloire.

À partir du chapitre 48, le prophète multiplie les appels à " écouter ". " Écoutez ceci, maison de Jacob, vous qui vous appelez du nom d'Israël... " (48,1) " Écoute-moi, Jacob, Israël, toi que j'appelle... " (48,12) " Rassemblez vous tous et écoutez... " (48,14) " Écoutez-moi, vous les îles, soyez attentives, cités du lointain : le Seigneur m'a appelé dès le sein maternel, dès le ventre de ma mère, il s'est répété mon nom...2 (49,1) C'est dans ce chapitre 49 que nous avons cette belle parole de Dieu à l'égard d'Israël : " La femme oubie-t-elle son nourrisson... même si elle l'oubliait, moi je ne t'oublierai pas... " Et dans le chapitre suivant le prophète fait deux procès au peuple par qui il est persécuté (étant déjà ainsi l'image du Messie) : " Dieu... m'a donné le langage d'un homme qui se laisse instruire (d'un disciple), pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n'en peut plus (c'est-à-dire, le peuple). " Un vrai prophète est celui qui s'est d'abord constitué disciple, qui écoute la Parole de Dieu. Et c'est dans ce contexte qu'il dit le texte que nous avons comme première lecture et que j'ai cité au début : " La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille pour que j'écoute comme celui qui se laisse instruire ". C'est un modèle pour chacun de nous. Si nous vivons dans une attitude constante d'écoute de la Parole de Dieu, non seulement elle guidera toutes nos journées, mais nous accompagnera dans notre sommeil. Non seulement nous l'entendrons de nouveau au moment de notre réveil, mais c'est elle qui nous éveillera, tant elle sera devenu partie de nous-mêmes.

Or, c'est cette Parole qui, indirectement, occasionne la persécution de la part de ceux qui ne veulent pas l'entendre : " Le Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J'ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe...

Ceci nous introduit directement au récit de la Passion où Jésus, qui est Parole - et d'abord Parole reçue du Père, Parole dite par le Père - sera persécuté parce que l'image de Dieu qu'il offre est trop dérangeante.

Nous verrons cela dans l'homélie, après la lecture de la Passion.

Armand VEILLEUX

 


 

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