Chapitre du 3 février 2008

 

Où chercher le bonheur ?

 

La deuxième lecture de la Messe d'aujourd'hui est tirée du premier chapitre de la première Lettre de Paul aux Corinthiens. Paul les rappelle à l'humilité en leur disant : " Frères, vous qui avez été appelés par Dieu, regardez bien : parmi vous, il n'y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu'il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion les sages, ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort...etc. "

C'est un texte qu'il est toujours bon d'entendre à notre époque où l'Église après avoir été puissante et influente dans tous les domaines de la vie publique durant des siècles est redevenue dans la plupart des pays un petit troupeau, dont le témoignage de vie évangélique est toujours aussi valable lorsqu'il est authentique mais dont les gestes et prises de position officiels n'ont plus beaucoup de poids auprès des puissants de ce monde. Il en va ainsi pour les diverses institutions, y compris la vie religieuse. C'est ainsi qu'on célébrait hier la Journée de la Vie religieuse, instituée par Jean-Paul II en 1997. Il y a quelques années une telle célébration aurait été l'occasion pour donner une grande visibilité dans l'Église et dans la Société à tout ce que font de merveilleux les Instituts Religieux, soit actifs, soit contemplatifs. Aujourd'hui c'est plutôt l'occasion simplement de rendre grâce à Dieu de notre vocation et de réfléchir sur la façon de la vivre toujours plus authentiquement dans notre contexte actuel.

Ce texte me revient souvent à l'esprit lorsque je lis les textes de certains philosophes et penseurs contemporains actuels qui parlent par exemple de " spiritualité athée ", et qui aiment décrire tout ce que la culture européenne doit avoir au christianisme, mais dont l'attitude est finalement une attitude gentiment hautaine et très condescendante envers nous, les Chrétiens qui subsistent encore et qui " n'ont pas encore compris "... contrairement à eux, les éclairés.

Dans ce contexte, il est toujours rafraichissant et encourageant de relire les béatitudes, que nous avons comme Évangile d'aujourd'hui. Nous y trouvons une conception du bonheur toute différente à la fois de celle d'un monde hédoniste et de celle de ces penseurs éclairés.

Il n'y a probablement rien de plus enraciné au coeur de l'être humain que le désir du bonheur. Tout le monde désire être heureux, se sentir une personne accomplie, être quelqu'un qui vit intensément sa vie, qui a trouvé sa place dans la société, l'Église, la communauté, l'histoire. Et lorsque ce n'est pas le cas, on fait facilement l'expérience de la frustration, de la blessure, de l'angoisse, de l'isolement.

Tout le monde sera d'accord avec cela. Mais là où les différences commencent c'est lorsqu'on veut établir les critères du véritable bonheur et les moyens d'y arriver. Évidemment tout cela change avec les siècles, les cultures, et même l'âge. Le bonheur d'un enfant n'est pas celui d'un adulte et celui d'un adulte dans la force de l'âge n'est pas celui d'un vieillard. Le message de l'Évangile (les Béatitudes) est troublant parce qu'il nous oblige à chercher le bonheur là où nous ne le chercherions pas spontanément.

Les Juifs, dans l'AT, avaient leur propre compréhension du bonheur. Un homme heureux, dans la Bible, était un homme riche et puissant, avec plusieurs fils et filles, qui accomplissait la loi de Dieu et servait son prochain. Ils savaient que le bonheur venait de Dieu, et étaient donc scandalisés lorsqu'un juste, au lieu de recevoir le bonheur, devait souffrir la pauvreté et l'abandon.

C'est à un peuple qui avait cette conception du bonheur que Jésus prêcha le message scandaleux des Béatitudes : Heureux, les pauvres, heureux ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif, qui sont des agents de justice, etc.

Lorsque nous nous sentons parfois moins heureux ou même tristes, nous devons toujours nous demander où est-ce que nous cherchons notre bonheur : dans le message vécu des béatitudes ou dans l'attitude de l'Ancien Testament ? Et dans quelle mesure sommes-nous influencés par les nouveaux marchants de bonheur ?


Armand VEILLEUX




 

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