Le processus de formation (Cst. 45)
Je reviens aujourd’hui
à mon commentaire des Constitutions de notre Ordre, que j’avais interrompu il y
a déjà fort longtemps. Plusieurs m’ont
exprimé le désir d’avoir un commentaire complet (quoique assez élémentaire) des
Constitutions, à côté du commentaire (tout aussi élémentaire) que j’ai fait de
la Règle de saint Benoît dans son entièreté.
1
La formation à la vie cistercienne a pour fin de
restaurer la ressemblance divine chez les frères grâce à l'action de l'Esprit-Saint.
Aidés par la sollicitude maternelle de la Mère de Dieu, les frères progressent
dans la voie monastique en sorte qu'ils parviennent peu à peu à la taille du
Christ dans sa plénitude.
Nous en étions à la
Constitution 45 ayant pour titre « Le processus de formation ». (Il faut dire que cette belle Constitution a
été reprise et amplifiée dans le Prologue du Statut sur la formation, que j’ai
commenté ailleurs). Le mot
« processus » est important.
En effet, la formation n’est pas comprise comme quelque chose que l’on
donne ou que l’on reçoit. Elle est
comprise comme un processus qui, en réalité, dure toute la vie. Il s’agit du processus selon lequel la
ressemblance divine est restaurée en chacun de nous – ce qui ne peut se faire
que par l’action de l’Esprit-Saint. Le
but de la vie monastique n’est rien d’autre que le but de toute vie chrétienne,
qui est de parvenir « à la taille du Christ dans sa plénitude ». C’était l’occasion tout indiquée d’introduire
dans nos Constitutions, avec une sobriété tout évangélique, une mention de
Marie, Mère de Dieu. Puisqu’elle a
engendré le Christ, elle a évidemment un rôle tout spécial, à côté de
l’Esprit-Saint, dans notre engendrement à la plénitude de vie. Si le but est le même pour le moine que pour
tout chrétien, ce qui est propre au moine est ce qui est appelé ici en latin la
conversatio monastica, c’est-à-dire
le mode de vie monastique, et que la traduction française a rendu par « la
voie monastique » -- une expression sans doute rendue populaire par
le titre d’un livre d’André Louf « La voie cistercienne ». Personnellement j’ai un peu d’hésitation à
utiliser le mot « voie » dans ce sens, d’autant plus que dans
l’Évangile d’aujourd’hui (5ème dimanche de Pâques, année A), le
Christ dit qu’il est Lui-même la « Voie ».
2
La solitude, la prière incessante, le travail humble,
la pauvreté volontaire, la chasteté dans le célibat et l'obéissance ne sont pas
des techniques humaines et ne peuvent s'apprendre de maîtres humains. Néanmoins
l'enseignement de l'abbé, l'expérience et la sagesse des anciens, ainsi que le
soutien et l'exemple constants de la communauté peuvent être grandement utiles
aux frères, particulièrement au cours des épreuves et des vicissitudes qui
jalonnent l'itinéraire spirituel.
Quelques-unes des
caractéristiques principales du mode de vie monastique cistercienne sont
mentionnées dans le deuxième paragraphe.
Ce sont « La solitude, la prière incessante, le travail humble, la
pauvreté volontaire, la chasteté dans le célibat et l’obéissance ». Ce sont des valeurs évangéliques dont nous
avons l’exemple dans la vie du Christ, et notre texte rappelle que ce « ne
sont pas des techniques humaines [qui] peuvent s’apprendre de maîtres
humains ». Et cependant on ne peut
généralement y progresser sans l’aide que nous apporte la vie en communauté et
particulièrement : « l’enseignement de l’abbé, l’expérience et la
sagesse des anciens ainsi que le soutien et l’exemple constants de la
communauté ». Il est finalement dit
que cette aide est particulièrement utile « au cours des épreuves et des
vicissitudes qui jalonnent l’itinéraire spirituel ».
3
Il appartient à la communauté, dans le processus de
formation, d'aider chaque frère à intégrer les éléments essentiels de la voie
cistercienne. De leur côté, les personnes en formation, conscientes de leur
responsabilité, collaboreront activement avec leurs formateurs pour répondre
fidèlement à la grâce de la vocation reçue de Dieu. Cette formation qui
commence dès l'entrée et doit se poursuivre tout au long de la vie se situe à
plusieurs niveaux : humain, doctrinal et spirituel, et elle est une part
importante de la charge pastorale de l'abbé.
Le troisième paragraphe
de cette Constitution comprend trois phrases – trois affirmations qui seront
reprises en détail dans le Document sur la Formation. La première phrase exprime de façon très
claire ce qui est la fonction de la communauté et en particulier de ceux qu’on
appelle les « formateurs » dans ce processus de formation. Il s’agit avant tout, non pas de donner des
cours, mais « d’aider chaque frère à intégrer les éléments essentiels de
la voie (conversatio) cistercienne ». Le processus de formation est donc
fondamentalement non pas un processus d’information mais d’intégration. Il faut que le
moine « intègre » chacun des éléments mentionnés (solitude, prière
incessante, travail, pauvreté, chasteté, obéissance), c’est-à-dire il faut que
ces réalités deviennent partie « intégrante » de sa personne. Le rôle des « personnes en
formation » est décrit comme une réponse à la grâce de la vocation reçue
de Dieu en même temps qu’une collaboration active avec les
« formateurs » dans la réponse à la grâce.
Enfin, la dernière
phrase de ce troisième paragraphe rappelle encore une fois que ce processus
n’est pas limité au temps du noviciat et des voeux temporaires, mais dure toute
la vie et que, d’autre part, il ne doit pas être simplement un placage
spirituel, mais une croissance humaine, doctrinale et spirituelle, c’est-à-dire
qu’elle doit englober tous les aspects de notre vie. On ne peut être un bon moine que si l’on est
un bon chrétien et l’on ne peut être bon chrétien que si l’on est vraiment et
sainement « humain ». Et
finalement, il est aussi rappelé à l’abbé que, même s’il peut et s’il doit
partager avec beaucoup d’autres personnes cette tâche, celle-ci reste toujours
une dimension importante de sa charge pastorale.
ST 45.3.A
Un programme de formation [Ratio institutionis] est établi pour l'Ordre; il doit, dans
les diverses régions, être adapté suivant les conditions concrètes de chaque
monastère.
Un premier statut
attaché à cette Constitution indiquait que l’Ordre devait préparer un programme
de formation (Ratio institutionis),
ce qui fut fait quelques années plus tard et que ce programme devait être
adapté aux besoins et aux conditions de chaque région et de chaque monastère.
ST 45.3.B
Pour assurer cette formation, les monastères
s'apportent volontiers une aide mutuelle.
Enfin un deuxième statut appelle à
l’aide mutuelle entre les monastères, ce qui est particulièrement nécessaire
aujourd’hui et qui se fait d’ailleurs assez bien, p.e. par le prêt de personnes
comme maître des novices ou des jeunes profès, ou comme professeur, ou tout
simplement par l’organisation de sessions de formation commune à une ou même à
plusieurs régions, ou encore d’un programme de formation intellectuelle comme
l’ITIM.