Chapitre du 3 octobre 2004

à la Communauté de Scourmont

 

 

Les Fondations dans l’Ordre – suite (C. 69-70)

 

            En commentant la C. 69, sur les fondations, la semaine dernière, je disais que lorsque le Chapitre Général approuve une fondation, toutes les communautés de l’Ordre assument une responsabilité collégiale à l’égard de cette fondation nouvelle et s’engagent à l’assister si un jour elle rencontre des besoins, en matériel ou en personnel, auxquels la maison fondatrice ne peut plus répondre.  Il y a un domaine où l’aide est particulièrement nécessaire et qui est mentionné spécialement dans le ST 69.1.C, c’est le domaine de la formation.  Ce Statut dit : « Les supérieurs de l’Ordre ont le souci d’apporter une aide à la formation surtout dans les monastères très isolés ». 

 

            La formation est toujours importante, car c’est sur elle que repose l’avenir de chaque communauté et de l’Ordre.  Cela vaut pour non seulement pour nous, mais pour toutes les formes de vie religieuse et aussi pour le clergé ;  et cela peut se démontrer historiquement :  Les périodes où la formation a été négligée ont été suivies de périodes de décadence ; et celle où la formation a été soignée ont été suivies de périodes de ferveur.  En Europe et en Amérique, où la plupart des monastères ont accès à des ressources locales, l’entraide consiste surtout dans la formation des formateurs qui ne peut guère s’organiser qu’au niveau d’une région ou même de plusieurs régions.  Dans les monastères plus isolés, où les ressources locales font défaut, il y a diverses formes d’entraide possible, comme l’envoi de moines ou de moniales dans d’autres monastères pour une période de formation, ou l’envoi de moines ou de moniales pour aider sur place, soit pour une aide ponctuelle, soit d’une façon plus permanente (comme maître des novices, professeurs, etc.).

 

            Il y a un deuxième numéro a cette C. 69 que je n’ai pas cité la semaine dernière.  C’est celui où il est dit : « L’Abbé Général peut permettre, avec le consentement de son conseil, l’érection d’un noviciat dans une fondation ».  Cela ne veut pas dire qu’une maison a toujours besoin d’une permission pour ouvrir un noviciat ; car c’est le droit (et l’obligation) de toute maison autonome d’avoir son propre noviciat.  Ici, il s’agit d’une fondation, qui, juridiquement, fait encore partie de la maison-mère.  D’un point de vue strictement juridique, c’est dans le noviciat de la maison-mère que devraient être formés ceux qui entrent dans une fondation.  Mais, concrètement, cela n’aurait guère de sens dans la plupart des cas.  C’est pourquoi il est prévu que, même si une fondation n’est pas une communauté autonome, elle peut obtenir de l’Abbé Général la permission d’ouvrir son propre noviciat (même si, à la fin de leur deux ans de noviciat les novices feront profession pour la maison-mère).

 

            Et cela nous amène à la C. 70 sur l’adaptation à la culture. 

 

C. 70                L'adaptation à la culture locale

 

Que les fondateurs aiment le lieu de leur nouveau monastère en quelque point du monde où celui-ci se trouve implanté. La vie monastique n'est liée à aucune forme particulière de culture, à aucun système politique, économique ou social. Mais les valeurs positives de la culture locale, dans la mesure du possible, doivent être reçues comme de nouvelles façons d'exprimer et d'enrichir le patrimoine cistercien.

 

            Vous avez sans doute remarqué qu’on ne parle pas ici d’inculturation, mais bien d’adaptation à la culture locale.  Les deux sont fort différentes, même si on les confond souvent.

 

            D’une façon générale, lorsque quelqu’un vit pour un temps ou d’une façon définitive dans un pays étranger, où beaucoup de coutumes et de traditions sont différentes de celles de son pays d’origine, il est normal qu’il s’adapte à la culture locale et adopte les coutumes de son pays d’adoption, ne fût-ce que dans la façon de se saluer, de se vêtir, de manger, etc.  C’est là une question de respect et simplement de bon sens.  Comme il est dit dans la C. 70, la vie monastique n’est liée à aucune forme particulière de culture, à aucun système politique, économique ou social.  Les moines et les moniales qui appartiennent à une culture qui a eu à une époque une grande importance géopolitique et qui peut l’avoir encore, sont facilement portés à considérer comme allant de soi ou comme des pratiques monastiques essentielles beaucoup de façons de faire tout simplement héritées de leur passé culturel.  Pour des fondateurs provenant de ces cultures, s’insérer dans une culture étrangère est une expérience parfois pénible, mais toujours enrichissante.  Cela les oblige à s’accrocher à l’essentiel et à le distinguer de l’accessoire. 

 

            S’il est essentiel de faire dès le début d’une fondation les adaptations nécessaires, il ne faut pas parler trop vite d’inculturation. En général, lorsqu’on veut faire de l’inculturation, tous les « efforts » d’inculturation sont en réalité des efforts d’adaptation.  Ceux-ci sont importants mais ils ne sont pas encore de l’inculturation.  De plus, il ne s’agit pas, dans quelque culture que ce soit, d’assumer dans la vie monastique toutes les coutumes locales.  Il y a dans toutes les cultures, à commencer par les nôtres, ici en Europe ; de nombreux éléments qui ne peuvent être assumés dans une vie monastique, et souvent pas même dans une vie chrétienne.

 

            L’inculturation, qui est aussi nécessaire ici en Europe qu’en Amérique, en Afrique ou en Asie, est autre chose.  Elle signifie le processus de transformation qui se réalise lorsque le Christianisme, ou le monachisme chrétien entre en contact avec une nouvelle culture – ou une culture dans nouvelle étape de son évolution (comme c’est le cas actuellement pour toutes les cultures).  Dans cette rencontre, si elle est fructueuse, le christianisme ou le monachisme chrétien acquièrent une nouvelle forme d’expression et la culture locale se trouve elle-même enrichie par cette nouvelle expression.  La véritable inculturation n’est pas quelque chose qui se planifie et se programme.  Elle est quelque chose qui se produit, qui arrive, lorsque les condition sont réalisées ; c’est-à-dire lorsqu’il y a une vraie rencontre.  Et le premier pas vers cette rencontre et l’adaptation à la culture locale, dont il est question dans notre C. 69.2.

 

            La prochaine fois nous parlerons d’un processus dont il n’est pas question dans ces Constitutions, mais qui est traité dans le Statut sur les Fondations.  Il s’agit du processus d’incorporation à l’Ordre.  En réalité ce processus a toujours été très important dans notre Ordre, sans doute plus encore au cours des premiers siècles qu’aujourd’hui.