Chapitre du 26 septembre 2004

à la Communauté de Scourmont

 

 

Les Fondations dans l’Ordre (C. 68-69)

 

            La deuxième partie de nos Constitutions, qui est de beaucoup la plus longue des trois, et qui est consacrée à tout ce qui concerne la vie de la communauté locale se termine par un chapitre (ch. 6) consacrée aux fondations, et qui sert en quelque sorte d’introduction à la troisième partie consacrée à l’Ordre.

 

            Notre communauté n’est certes pas pour le moment en état de faire de nouvelles fondations, mais le fait dans avoir fait dans le passé a marqué son histoire.  De plus, de nos jours, même si presque toutes nos communautés en Europe et en Amérique sont plus réduites en nombre que par le passé, on continue à faire des fondations dans l’Ordre, pratiquement chaque année.  Il convient donc de réfléchir sur l’importance et le sens de ce phénomène.

 

            Lisons d’abord la C. 68 :

 

C. 68                Les fondations

 

1

Devant l'accroissement de leur nombre ou à quelque autre signe de la Providence, que les frères sachent qu'ils sont peut-être appelés à propager ailleurs la vie monastique. Qu'ils examinent alors avec soin si, tout en respectant les règles de la prudence, mais aussi en s'engageant avec confiance et générosité, quelque fondation ne pourrait être entreprise, et s'ils n'accepte­raient pas de participer, sous le mode monastique, à la présence contem­plative de l'Église en vue de parfaire la mission de celle-ci d'annoncer l'Évangile. Qu'ils soient spécialement attentifs à la demande du second Concile du Vatican d'implanter la vie monastique dans les jeunes Églises.

 

            Cette Constitution renvoie explicitement à Vatican II, mais c’est à l’invitation de Pie XII que l’Ordre avait commencé à partir des années ’50 du 20ème siècle à faire des fondations en Afrique, puis en Amérique Latine et ensuite en Asie et Océanie, sans cesser de faire encore quelques fondations en Europe et en Amérique du Nord.

 

            À Vatican II, c’est dans le Décret conciliaire Ad Gentes, sur l’activité missionnaire de l’Église, que se trouvent deux mentions des fondations monastiques dans les Jeunes Églises.  Il y a tout d’abord une première mention au nº 18. C’est à la fin du chapitre 2, sur l’activité missionnaire, dans l’article 3, portant sur la formation de la communauté chrétienne.  On y parle de l’instaurations de diverses formes de vie religieuse, aussi bien active que contemplative, et on y dit : « La vie contemplative relevant du développement complet de la présence de l’Église, il faut qu’elle soit instaurée partout dans les jeunes Églises ».

 

            Le principe de base à cette réflexion est que la dimension contemplative appartient à l’essence même de l’Église.  L’Église étant par nature « visible » (elle est le « sacrement »  ou manifestation visible du salut apporté par le Christ), il est donc nécessaire que, dans toute Église locale, elle soit visible sous tous ses aspects.  La chose la plus importante est évidemment que tout chrétien développe la dimension contemplative de sa vocation chrétienne ;  mais il est également important qu’il y ait, dans chaque Église locale, à travers la présence de communautés vouées à la contemplation, la manifestation visible de cette dimension de l’Église.  C’est pourquoi le texte de Ad Gentes est très fort.  Il ne s’agit pas simplement d’un conseil ou d’une invitation.  Il est dit qu’il faut que la vie contemplative soit instaurée partout dans les jeunes Églises. 

 

            Et puis, à la fin du Décret, dans le chapitre sur la coopération, où sont décrit les responsabilités de tous les acteurs de la mission, il est parlé des Instituts de vie contemplative, et, cette fois, ils sont invités à fonder des maisons dans les territoires de missions (nº 40).

 

            Cette conscience missionnaire est, de nos jours, le principal motif qui conduit certaines communautés à faire des fondations ;  mais ce n’est pas le seul.  Le début de notre Constitution 68 en énumère d’autres :  « Devant l'accroissement de leur nombre ou à quelque autre signe de la Providence, que les frères sachent qu'ils sont peut-être appelés à propager ailleurs la vie monastique. »  Peu de communautés sont de nos jours amenées à faire des fondations simplement par suite de l’accroissement de leur nombre.  En général il s’agit bien d’un appel ressenti à porter la vie monastique là où elle n’est pas encore.  Ce peut être un endroit même dans les vieilles Églises, où elle n’est pas encore, comme ce peut être, de nos jours, l’ouverture à l’Europe de l’Est, ou encore dans le monde arabe.

 

            Évidemment une communauté ne doit pas se jeter tête baissée dans l’aventure qu’est une fondation.  Elle doit donc faire un sérieux discernement (dont les étapes sont prévues dans le Statut sur les Fondations), où sont sans doute respectées les règles de la prudence, mais où elle doit aussi s’engager avec confiance et générosité.  Elle peut le faire d’autant plus qu’elle n’est pas seule, mais appartient à un Ordre.

 

            C’est pourquoi la Constitution suivante (nº 69) parlent de la responsabilité de tout l’Ordre à l’égard des fondations.

 

            L’Ordre comme tel ne fait jamais de fondation.  Ce ne sont pas non plus des membres individuels de l’Ordre qui peuvent faire une fondation.  C’est toujours une communauté qui en engendre une autre, lui transmettant sa tradition et son esprit. (Cela n’empêche pas que certaines fondations commencées en dehors de l’Ordre par des personnes « charismatiques » soient par la suite incorporées à l’Ordre).

 

            De plus, toute fondation doit être « approuvée » par le Chapitre Général.  Par cette approbation, toutes les communautés de l’Ordre assument une responsabilité collégiale à l’égard de cette fondation nouvelle et s’engagent à l’assister si un jour elle rencontre des besoins, en matériel ou en personnel, auxquels la maison fondatrice ne peut plus répondre. 

 

            Dans un développement récent, nous avons prévu dans notre Ordre que deux ou même plusieurs communautés puissent unir leurs forces, soit pour faire une nouvelle fondation ensemble, soit pour assister une fondation déjà existante mais fragile.  Nous reviendrons une prochaine fois sur cette dimension.