25 avril
2004 – Chapitre à la Communauté de Scourmont
Le
lien de l’unité (C. 71)
Puisque nous aurons
cette semaine la Conférence Régionale de la Région CNE (Centre et Nord Europe),
et que nous aurons au mois de juin à Scourmont la réunion de la Commission
Centrale, qui est l’organisme central de l’Ordre, entre les Conférences
Régionales et le Chapitre Général (ce qui nous permettra de prendre contact
avec des moniales et des moines de toutes les parties de l’Ordre), je passerai,
dans mon commentaire des Constitutions une large section de la deuxième partie,
pour passer tout de suite à la troisième partie, qui traite de l’Ordre.
Toute cette troisième
(et dernière) partie des Constitutions est ouverte par deux constitutions très
importantes, toutes deux fruit d’une longue évolution et de beaucoup de
réflexion dans l’Ordre tout entier : la Cst. 71
sur la nature de l’Ordre comme tel et la Cst 72 sur
le caractère mixte de notre Ordre.
Comme je l’ai souvent
répété dans mes commentaires, je suis convaincu que l’une des raisons du
développement rapide et extraordinaire de l’Ordre cistercien, au douzième
siècle, et de sa vitalité jusqu’à aujourd’hui, c’est d’avoir trouvé un
équilibre entre l’autonomie des communautés et leur union en un Ordre fortement
structuré.
La Règle de saint
Benoît a été écrite pour des monastères autonomes ne dépendant pas l’un de
l’autre. Les moines sont des Chrétiens
comme les autres qui, en ce qui concerne l’orthodoxie de la foi et la vie
sacramentelle, dépendent de la hiérarchie de l’Église. Il s’agit d’un groupe de Chrétiens qui se
sont réunis pour vivre leur vie chrétienne selon une forme de vie – reconnue
par l’Église comme une authentique voie de salut. L’autonomie signifie qu’aucune personne
extérieure à la communauté n’intervient dans la marche interne de la vie de la
communauté (qui doit être, évidemment, conforme aux règles générales
s’appliquant à tous les Chrétiens).
Dans tous les Instituts
religieux qu’on appelle « centralisés », il y a une forte autorité
centrale – qui réside dans le Chapitre Général ou dans le Supérieur Général, et
qui est partagée à des degrés divers par les supérieurs provinciaux, régionaux
ou locaux. Dans un Ordre comme le nôtre,
c’est l’inverse. Pour former un seul
Ordre, chacune des communautés locales délègue
une petite partie de son autorité au Chapitre Général (délégation réalisée à
travers les Constitutions, approuvées par le Saint Siège).
Le Chapitre Général
est, comme on le dit, l’autorité « suprême » de l’Ordre. Mais « suprême » ne veut pas dire
« absolue ». Le Chapitre n’est
pas libre de décider n’importe quoi. Il
n’a, sur les communautés, strictement que l’autorité qui lui est explicitement
donnée dans les Constitutions. Dans une
époque comme la nôtre, où, dans quelques parties de l’Ordre, plusieurs
communautés sont en situation précaire, le Chapitre Général a tendance – je
dirais la tentation --, pour les aider, à prendre des décisions qui peuvent
facilement enfreindre leur autonomie et risque, par le fait même de leur rendre
plus difficile de reprendre un nouveau souffle.
L’équilibre cistercien entre autonomie et communion est très subtil, et
doit être préservé. La communion entre
les monastères est une communion de charité et d’entraide, non un système
d’interventions arbitraires.
Il y a dans l’Ordre un
Abbé Général, qui n’est pas le supérieur des abbés locaux, et n’a pas sur eux
ni sur les communautés d’autorité directe, mais qui reçoit à travers les
Constitutions une délégation pour travailler au maintien de la communion entre
les monastères et pour poursuivre, entre les Chapitres Généraux, certaines des
tâches confiées à celui-ci.
Le titre de la
Constitution 71 est « Le lien de l’unité ». C’est un beau titre, qui correspond bien à
toute cette section des Constitutions. Le titre initial (au moment de la rédaction
des Constitutions) était « La collégialité de l’Ordre
cistercien ». Mais ce mot faisait
peur à certains. Il y avait eu au cours
des années qui précédèrent l’approbation des Constitutions, de longues
discussions, dans les Régions, entre les Régions et au sein du Consilium Generale (ou Commission
Centrale) et du Chapitre Général concernant cette fameuse
« collégialité ».
Au cours du grand
mouvement de renouveau après Vatican II, et durant la longue période de
révision de nos Constitutions, il était apparu que cet effort de renouveau
était un devoir collectif de tous, et qu’il y avait chez tous les moines et
moniales de l’Ordre une responsabilité en ce domaine. Il était aussi apparu que tous ceux qui
avaient dans l’Ordre l’autorité dans une communauté locale avaient aussi, avec
tous les autres supérieurs, une autorité collégiale envers l’Ordre tout
entier. Le substantif
« collégialité » n’est pas resté dans le texte, mais bien l’adverbe
« collégialement » et surtout la réalité de la collégialité.
C. 71 Le
lien de l'unité
1
Les monastères autonomes de l'Ordre Cistercien de la
Stricte Observance dispersés à travers le monde sont unis entre eux par le lien
de la charité et par une commune tradition de doctrine et de droit.
Le premier paragraphe
affirme de façon succincte et claire que l’Ordre est constitué par l’union,
dans des liens de charité et une commune tradition de doctrine et de droit,
entre des monastères autonomes dispersés à travers le monde. Nous avons là les deux éléments
complémentaires : autonomie et union.
2
Leurs supérieurs sont unis par le lien de la
sollicitude pour le bien de chaque communauté.
Le deuxième paragraphe
en déduit que les supérieurs de ces communautés autonomes sont unis par le lien
de la sollicitude pour le bien de chaque communauté. Ce qui est lourd de conséquence – et qui a
toujours été la caractéristique et la force de notre Ordre : lorsqu’un moine, en étant élu abbé, acquiert
la responsabilité pastorale sur une communauté locale, il acquiert en même
temps, avec tous les autres supérieurs de l’Ordre, une certaine responsabilité
pastorale (ou en tout cas un devoir de sollicitude pastorale) sur tous les
monastères de l’Ordre.
3
Ils exercent collégialement cette charge pastorale et
l'autorité suprême dans l'Ordre quand ils s'assemblent en Chapitre Général.
Cette responsabilité,
comme le dit le nº 3, s’exerce essentiellement au cours des Chapitres Généraux,
mais elles s’exerce aussi à travers diverses structures de l’Ordre. Parmi celles-ci, la plus ancienne et toujours
la plus importante est celle de la filiation, à laquelle se rattache, au moins
en principe la Visite Régulière.
Celle-ci n’est pas une intervention décisionnelle d’une autorité
extérieure dans la vie d’une communauté,
mais une aide pastorale pour amener une communauté à bien évaluer sa
situation et à prendre elle-même les décisions nécessaires.
4
Cette même charge pastorale est mise en œuvre sous la
direction du Chapitre Général, à travers les institutions de la filiation et
de la visite régulière, et aussi par les rencontres de supérieurs et les divers
services qui favorisent le bien de tout l'Ordre.
À ces structures
traditionnelles s’en ajoutent d’autres plus récentes, comme les rencontres des
conférences régionales ou d’autres rencontres moins officielles de quelques
supérieurs ou d’un grand nombre, ainsi que tous les autres services dans les
domaines de la formation ou de l’administration temporelle.