14 décembre
2003 – Chapitre à la Communauté de Scourmont
L’élection
de l’abbé (Cst. 39)
Nous avons déjà parlé
du ministère de l’abbé (C. 33) et de son gouvernement (C. 34). La prochaine Constitution que nous avons à
commenter (C. 39) parle de l’élection de l’abbé et son contenu est surtout
révélateur de la façon dont une communauté monastique se gère.
Chaque communauté
monastique est autonome et a donc son propre supérieur majeur avec pouvoir
« ordinaire », c’est-à-dire une autorité qui lui vient de sa charge
et non en fonction de sa personne. Mais
une communauté devient un jour ou l’autre sede
vacante, c’est-à-dire sans supérieur, soit que celui-ci soit décédé en
charge (ce qui n’est pas très fréquent de nos jours, soit qu’il ait
démissionné, soit qu’il soit arrivé à la fin de son mandat s’il était élu pour
une période déterminée.
La première chose que
notre droit devait préciser est : qu’est-ce qui arrive quand une
communauté est sans supérieur. Dans les
monastères de moniales, les Constitutions prévoient que c’est la prieure,
c’est-à-dire la seconde supérieur qui assume le gouvernement de la communauté
jusqu’à l’élection (ou la nomination) d’une supérieure. Dans les monastères de moines, c’est le Père
Immédiat. Dans l’un et l’autre cas il
s’agit d’une personne qui doit s’occuper des affaires courante (la C. 39 des
moines dit en latin : curat de
omnibus), et non pas d’un supérieur au sens canonique. La communauté reste bel et bien sede vacante, et s’applique alors la
règle ancienne qui veut que sede vacante
nil innovetur (on n’introduit rien
de neuf lorsque le siège est vacant).
C’est la responsabilité
du Père Immédiat de voir à ce que la communauté puisse s’élire un nouveau
supérieur sans tarder. Dans le cas d’un
supérieur élu pour un temps déterminé, l’élection se fait tout de suite à la
fin de son mandat, dont la date est nécessairement connue d’avance. Dans le cas d’un décès ou d’une démission qui
peut ne pas être prévue, il est normal de laisser un peu de temps pour
réfléchir et au besoin pour convoquer les électeurs qui pourraient être
absent. C’est pourquoi il faut attendre
au moins quinze jours, mais pas plus de trois mois.
Ayant la responsabilité
de présider l’élection, le Père Immédiat a celle de s’assurer que la communauté
est prête à faire une élection, ce qui doit être la situation normale. Mais s’il juge que la communauté n’est pas
prête à faire un choix ou que pour une raison ou une
autre le bien de la communauté le requiert, il peut surseoir à l’élection. Il ne peut cependant le faire sans consulter les frères. Et comme la constitution utilise le mot
« frères », d’une façon générale, cette consultation n’est pas
nécessairement limitée aux électeurs.
Rien n’empêche de consulter aussi les profès temporaires, étant bien
entendu qu’il s’agit d’une consultation et non d’un vote délibératif. De plus, pour surseoir à une élection, le
Père Immédiat a besoin du consentement de l’Abbé Général.
De plus, lorsque le
Père Immédiat juge qu’il faut surseoir à l’élection, il ne peut continuer à
gérer lui-même la communauté. Il doit
nommer un supérieur ad nutum. Ce
supérieur ad nutum, depuis que nous
avons corrigé nos Constitutions lors du dernier Chapitre Général, a exactement
la même autorité sur sa communauté autonome qu’un abbé ou un prieur conventuel
élu. La seule différence est qu’il est
nommé au lieu d’être élu. (Il peut y avoir une différence en ce qui concerne
l’exercice de son autorité sur les maisons-filles ; mais nous en reparlerons une autre fois).
Cette situation étant
exceptionnelle, elle ne doit pas durer plus qu’il n’est vraiment
nécessaire. De toute façon, lorsqu’elle
a duré déjà trois ans, le Père Immédiat doit soumettre la situation au jugement
du Chapitre Général qui suit, après avoir consulté la communauté. Cette durée de trois ans est considérée comme
étant normalement une durée limite, c’est pourquoi on tend souvent à penser
qu’un supérieur ad nutum est nommé
« pour trois ans », ce qui est une erreur. D’ailleurs nommer un supérieur ad nutum pour une durée fixe (que de
soit un, deux ou trois ans) est une contradiction dans les termes. Il y a une obligation de tenir une élection
dès que la communauté est prête, et l’on ne peut prévoir d’avance qu’elle ne
sera pas prête avant tant d’années.
L’élection est l’acte
par lequel le chapitre conventuel s’exprime collégialement dans toute son
autonomie et sa liberté. Les
Constitutions rappellent au Père Immédiat qu’il doit stimuler chez les frères
l’esprit de foi et de discernement, mais il doit bien se garder d’essayer
d’influencer de quelque façon que ce soit le vote. Tous les membres du Chapitre
Conventuel ont le droit de vote (sauf ceux dont ce droit aurait été suspendu en
vertu du droit canon ou des Constitutions, p. e. les exclaustrés) et doivent
être convoqués. Quelqu’un peut
évidemment renoncer à l’exercice de son droit de vote, par exemple s’il est
depuis longtemps éloigné de son monastère pour un service dans une autre
communauté. En plus des membres du
Chapitre Conventuel, les abbés des maisons-filles ont aussi le droit de vote,
qui s’explique du fait que leurs communautés sont intéressées par le choix de
celui qui sera leur Père-Immédiat Il
semble que la pratique la plus commune est qu’ils assistent à l’élection, pour
manifester leur solidarité, mais ne votent pas.
De fait, surtout dans une petite communauté ayant plusieurs
maisons-filles, le vote des abbés-fils pourrait être déterminant. De plus, on ne voit pas pourquoi les abbés-fils
peuvent voter pour l’élection de leur père-immédiat alors que les abbesses des
maisons-filles ne le peuvent pas, alors que leurs communautés sont tout autant
intéressées.
À part cela, nos
Constitutions ont prévu un cas où quelqu’un qui n’est pas membre du chapitre
conventuel peut voter. Il s’agit des
profès temporaires ayant déjà au moins trois ans de profession, dans une
fondation, au moment où celle-ci est érigée en maison autonome et lors des
élections qui suivent, jusqu’à ce que ce monastère soit devenu prieuré
majeur. Cela est pour éviter que tous
les électeurs ou la majorité d’entre eux soit des moines fondateurs venant de
la maison-mère, alors qu’il y a déjà des frères du pays ayant plus de trois ans
de voeux temporaires.
Hors ces cas, le droit
commun prévoit que si quelqu’un n’ayant pas le droit de vote participe à une
élection, celle-ci est ipso facto
invalide.
Les conditions pour
pouvoir être élu sont d’être âgé d’au moins trente-cinq ans et d’être profès
solennel dans l’Ordre depuis au moins sept ans.
Si quelqu’un ne remplit pas ces conditions il ne peut être élu, mais il
peut être postulé. L’élection requiert
la majorité absolue des voix (c’est-à-dire plus de la moitié des voix, sans
compter les bulletins nuls et les abstentions) ; la postulation requiert
les deux tiers.
(à suivre)