16 novembre 2003

Chapitre à la Communauté de Scourmont

 

C. 36           La consultation des frères

 

1

Pour tout ce qui touche au bien de la communauté, l'abbé, se souvenant de l'exhortation de la Règle, consulte volontiers les frères. Il dispose pour cela tant du chapitre conventuel que d'un conseil particulier. De leur côté, les frères répondent à la consultation dans un esprit de docilité à la voix de l'Esprit-Saint et donnent leur avis avec humilité et sens de leur responsabilité. Sauf dans les cas où la loi en décide autrement, il revient à l'abbé, après avoir soigneusement écouté les frères, de prendre la décision finale. Dans les questions qui requièrent la discrétion, tous gardent soigneusement le secret.

 

2

Le vote est secret dans toutes les élections, dans les autres cas prévus par le droit et lorsqu'un des présents le demande. Dans le compte des voix, les bulletins nuls et les abstentions ne sont pas pris en considération. Quand le consentement du conseil de l'abbé ou du chapitre conventuel est requis pour poser un acte, l'abbé, pour agir validement, doit obtenir ce consentement à la majorité absolue ou aux deux tiers des voix, selon les cas. Une fois le consentement obtenu, l'abbé peut agir, mais il n'y est pas tenu. Par contre, si le consentement est refusé, il ne peut agir validement. De même quand il est prescrit à l'abbé d'entendre son conseil ou le chapitre conventuel, cette consultation est requise pour la validité de l'acte.

 

ST 36.2.A

Les votes ne sont pas pris sans que l'objet de la délibération ait été clairement exposé et qu'un certain délai ait été laissé pour la réflexion et la prière.

 

ST 36.2.B

A la fin du scrutin, chaque fois qu'un consentement est requis, l'abbé fait le compte des voix avec deux témoins et annonce le résultat. Ce résultat est reporté dans le livre des actes du chapitre ou du conseil, que signent l'abbé et deux témoins.

 

 

3

Quand il demande un conseil ou un consentement, le supérieur peut voter, mais il n'y est pas tenu. Les absents ne peuvent pas voter par correspondance ni donner procuration pour émettre un vote. Les exclaustrés sont privés de voix active et passive.

 

 

            Dans la Règle de saint Benoît, tout de suite après le chapitre sur l’abbé vient celui de la convocation des frères au conseil.  De même dans nos Constitutions, tout de suite après celles sur le ministère et le gouvernement de l’abbé puis celle sur les frères qui ont des charges en communauté, vient la Constitution 36 sur la consultation des frères.  Il s’agit en fait d’une sorte d’introduction générale aux diverses formes de consultation que sont, entre autres, le chapitre conventuel et le conseil de l’abbé, ainsi que le conseil des finances (chacun de ces conseils portant d’ailleurs des noms différents selon les pays et les langues).

 

            Il faut sans doute dire, au point de départ, qu’il y a une consultation qui est peut-être la plus importante et qui peut se faire tout au long de chaque journée dans les rencontres personnelles au cours desquelles ou bien les frères donnent spontanément leur avis à l’abbé sur divers aspects de la vie de la communauté, ou bien l’abbé les consulte en privé sur telle ou telle question.  Normalement un abbé saura que sur telle question il peut compter sur la compétence particulière de tel ou tel frère et que dans d’autres domaines il pourra se reposer sur l’expérience et la sagesse de tel ou tel autre frère.  Les frères qui seront à même de donner un avis sur une question d’électricité ou de plomberie ne seront pas nécessairement les mêmes qui pourront conseiller dans le domaine de la liturgie, par exemple.

 

            Ces consultations, qui ne sont souvent pas connues et dont les résultats ne sont pas généralement publiées, sont très précieuses pour un abbé qui désire prendre tous les moyens pour découvrir la volonté de Dieu.  Par ailleurs, si l’Esprit Saint parle à chacun personnellement, il parle aussi à la Communauté comme telle, réunie au nom du Christ.  C’est pourquoi toutes les consultations privées ne peuvent pas remplacer les consultations communautaires au cours desquelles la communauté comme telle se met à l’écoute de l’Esprit Saint.

 

            Un abbé est toujours libre de consulter l’ensemble de la communauté ou bien le chapitre conventuel ou encore le conseil de l’abbé sur n’importe quelle matière qui lui semble importante ou sur laquelle il a besoin de plus de lumière avant de prendre une décision.  Cependant le droit prévoit des situations où l’abbé doit consulter l’un ou l’autre de ces organes et d’autres situations dans lesquelles non seulement il doit consulter mais ne peut pas agir sans avoir reçu le consentement soit du chapitre conventuel soit de son conseil.

 

            Dans chacune de ces formes de consultation, aussi bien l’ensemble des frères que l’abbé doivent être conscients qu’il ne s’agit pas d’un simple exercice de démocratie ou de faire triompher un point de vue, ou d’équilibre des pouvoirs, mais plutôt de se mettre tous ensemble à l’écoute de l’Esprit Saint.  Or l’Esprit Saint ne parle pas dans l’abstrait.  Il parle à chacun de nos coeurs et c’est dans la mesure où chacun de nous se met à son écoute avec un coeur pur et détaché d’intérêts purement personnels, que nous pouvons espérer arriver à des décisions qui soient conformes à la volonté de Dieu et donc aussi au bien de la communauté.  La Constitution 36 invite chacun à donner son avis avec humilité, c’est-à-dire en demeurant toujours conscients que d’autres membres de la communauté peuvent percevoir autrement les exigences divines.  Tous doivent aussi le faire avec le sens de la responsabilité que tous ont de veiller au bien de la communauté toute entière.

 

            Les questions soumises au chapitre conventuel ou au conseil de l’abbé concernent d’habitude la vie intime de la communauté et souvent concernent des personnes.  Dans tous ces cas il y a une obligation naturelle – avant même l’obligation que font les Constitutions de garder non seulement une très grande discrétion mais le secret.  De toute façon, toute élection de personnes doit se faire par secret. Il y a aussi quelques autres cas où la loi prévoit que le vote est secret ; et, de toute façon, le vote doit toujours être pris en secret lorsque quelqu’un, ne fût-ce qu’une personne, le demande.

 

            Il y a une situation où le chapitre conventuel a un pouvoir autonome de décision, c’est lorsqu’on élit l’abbé de la communauté.  Dans toutes les autres situations, selon l’esprit de la Règle de saint Benoît et de nos Constitutions, la décision finale relève de celui à qui la communauté a confié par cette élection la tâche d’abbé.  Cependant, d’une part pour s’assurer que l’abbé se met à l’écoute de l’Esprit Saint qui parle à l’ensemble des frères et, d’autre part, pour protéger la communauté contre les imprudences possibles du supérieur, le droit prévoit – comme je l’ai dit plus haut, qu’il y a un certain nombre de situations dans lesquelles il doit consulter les frères et d’autres où il ne peut validement agir sans le consentement soit du chapitre conventuel, soit des frères.  Lorsque ce « système » est bien respecté par toutes les personnes concernées, il se révèle à la fois d’une grande souplesse et d’une grande sagesse.

 

            La situation étant telle, il est logique que l’abbé ne vote pas, puisqu’il n’y a pas grand sens à ce qu’il se consulte lui-même ou à ce qu’il se demande à lui-même son consentement pour agir.  C’est ce que prévoit le droit commun.  Mais comme nos Constitutions anciennes prévoyaient que l’abbé vote, et qu’au moment où nous avons rédigé nos Constitutions plusieurs éprouvaient de la difficulté à modifier cette pratique, nous avons maintenu (C 36.3) que l’abbé peut voter mais n’y est pas tenu.  Diverses choses peuvent expliquer cette attitude.  D’une part, dans une petite communauté, surtout dans les fondations, que le supérieur vote ou ne vote pas peut faire une très grande différence surtout en des situations – heureusement rares – où un ou deux membres de la communauté pourraient bloquer les votes pour des raisons n’ayant rien à voir avec l’objet même du vote.  D’autre part il y a le désir fort légitime de prendre, dans toute la mesure du possible des décisions vraiment communautaires.  Or, rien n’empêche l’abbé dans les nombreuses décisions communautaires qui ne sont pas prévues par le droit, de laisser explicitement à la communauté la décision dans telle ou telles affaire ;  il est logique alors qu’en ce cas il vote avec la communauté dont il est un membre.

 

(à suivre)

 

Armand Veilleux