Chapitre du
3 août 2003 à la Communauté de Scourmont
L'accueil des hôtes (C. 30)
Communion avec Dieu, la
vie monastique est aussi communion avec l'ensemble de nos frères et soeurs en
humanité. Tout en reconnaissant que les
circonstances de lieu et de temps peuvent varier grandement d'une place à
l'autre, le nº 30 de nos Constitutions rappelle que tout monastère de l'Ordre
doit garder la tradition d'accueillir comme le Christ lui-même les hôtes et les
pauvres. Ce texte inclut une citation
textuelle de la Règle de saint Benoît;
mais la tradition à laquelle il est fait mention ici, est beaucoup plus
ancienne. Elle remonte aux origines même
du monachisme chrétien, et s'enracine dans l'Évangile.
C. 30 L'accueil
des hôtes
Tout monastère, selon les circonstances de lieu et de
temps, garde la tradition d'accueillir comme le Christ lui-même les hôtes et
les pauvres. Ceux que la divine Providence conduit au monastère sont reçus par
les frères avec respect et humanité, en évitant cependant que la paix monastique
n'ait à souffrir de ce service.
C'est un phénomène
constaté dans toutes les parties du monde, que les hôtelleries monastiques
attirent de nos jours plus de visiteurs que jamais auparavant. Mille et une circonstances de la vie peuvent
les amener; ils peuvent aussi y venir avec des motivations fort variées. Cependant, une vision de foi nous amène à
croire que, comme le dit le texte de la Cst
30, c'est la divine Providence qui les y amène. Même là où la pratique religieuse est devenue
très faible; ou bien là où la crédibilité de l'Église a été affectée par des
scandales, ou encore là où un certain anti-cléricalisme se manifeste, les
monastères -- chose curieuse -- demeurent des lieux où aiment venir soit pour
une prière occasionnelle, soit pour une retraite, soit pour quelques jours de
repos, les personnes de toutes les classes de la société et de toutes les
orientations soit religieuses, soit politiques.
Nous n'avons aucune raison de nous en glorifier; mais nous devons réaliser que cela implique
pour nous une responsabilité
La Règle de saint
Benoît décrit en détail l'attitude que l'on doit avoir à l'égard des visiteurs
qui viennent au monastère; et nous avons
déjà commenté ce texte. Ici, cette attitude
est résumée en deux mots : respect et
humanité. À l'égard de toute personne humaine, quelle
qu'elle soit, avec ou sans titre, qu'elle soit une Mère Teresa ou un criminel,
la forme la première de charité chrétienne est celle du respect -- le respect dû à toute femme ou tout homme créé à l'image
de Dieu et appelé à partager son bonheur éternel. Ce respect doit se manifester non seulement
dans le ministère de l'hôtelier et des portiers, mais dans la façon dont chacun
de nous saluons poliment les hôtes que nous rencontrons à la porterie ou dans
le parc, et dans la façon dont nous les accueillons à l'église et à notre
prière commune. Quant au mot humanité, il n'a pas toute la richesse
du mot latin humanitas, qui exprime
une attitude de grande attention, de grande délicatesse en même temps que de
beaucoup de sobriété et de discrétion.
Quant on peut dire de quelqu'un qu'il est très "humain", cela
ne veut pas dire qu'il est très extroverti, et se démène pour proposer des
services non désirés ou tenir des conversations prolongées. Cela veut plutôt dire qu'on le perçoit
discrètement en harmonie avec les besoins, les joies ou les souffrances des
personnes qu'il rencontre.
S'il n'y avait pas dans
notre façon de recevoir nos hôtes ce respect et cette humanitas, il y aurait alors le danger, auquel la dernière phrase
de la Cst. fait allusion -- le danger que la paix monastique souffre de ce
service de l'accueil. Si ce que nous
partageons avec nos visiteurs et hôtes est vraiment la "paix
monastique", celle-ci n'en souffrira pas.
À l'époque de saint
Benoît, où les voyages étaient toujours difficiles et souvent périlleux et où
les hôtelleries pour pèlerins et voyageurs étaient rares, les hôtes qui se
présentaient au monastère appartenaient souvent à des catégories autres que
celles que nous connaissons aujourd'hui.
Les quatre statuts qui accompagnent notre Cst s'arrêtent simplement à
quelques catégories ou situations.
ST 30.A
Ceux qui viennent au monastère pour chercher un
approfondissement de leur vie de prière bénéficient de l'aide de la communauté.
Le premier statut (ST
30.A) mentionne la catégorie très importante des personnes qui viennent au
monastère pour approfondir leur vie de prière.
En conformité avec une recommandation explicite du Pape Paul VI lors du
Chapitre Général de 1974, il est dit que ces personnes doivent bénéficier de
l'aide de la communauté. Cette aide
consistera en tout premier lieu dans le fait de leur offrir un contexte de
tranquillité et de prière, en particulier la possibilité de participer
activement à la prière de la communauté (selon des modalités propres à chaque
communauté -- Statut 30.C), Elle
consistera aussi dans l'accompagnement spirituel, dont beaucoup de personnes
sentent aujourd'hui le besoin et qu'elles ne trouvent souvent pas ailleurs.
ST 30.B
Selon le dessein de Dieu, les monastères sont établis
comme des lieux saints; ils le sont non seulement pour les proches dans la foi,
mais aussi pour tous les hommes de bonne volonté.
ST 30.C
Il appartient à la communauté de déterminer le mode de
participation des hôtes à l'Œuvre de Dieu.
Un autre aspect de
l'accueil extrêmement important de nos jours est celui de caractère
oecuménique, aussi bien à l'égard des Chrétiens appartenant à d'autres
confessions, qu'à l'égard de croyants d'une autre religion, ou même des
personnes de bonnes volonté n'appartenant à aucune
religion. Les monastères étant en
général perçus comme des lieux saints, tout en ayant une grande liberté par
rapports aux structures ecclésiastiques, les personnes de toutes les catégories
que je viens de mentionner y viennent facilement, sans se sentir ni menacés ni
en danger de se faire embrigader. À
tous, nous devons manifester le même respect et la même humanitas qui nous a été révélée dans toute sa beauté dans la
personne du Fils de Dieu fait homme.
ST 30.D
Les familles des frères sont reçues avec beaucoup
d'humanité, d'une manière cependant qui s'accorde avec la vocation monastique.
Enfin, le dernier
statut invite à la même humanitas à
l'égard des membres de nos familles. La
petite incise "d'une manière cependant qui s'accorde avec la vocation
monastique" nous rappelle que lorsque les membres de nos familles viennent
nous visiter, ils s'attendent en général à rencontrer un moine qui partage avec
eux ce qui fait sa vie et non pas quelqu'un qui essaye de leur procurer les
mêmes détentes qu'ils pouvaient trouver chez eux.
Le principe général
reste toujours le même. L'accueil
monastique ne consiste pas à abandonner provisoirement notre vie monastique
pour rencontrer les hôtes en dehors de celle-ci, mais bien à faire participer
les hôtes aux valeurs monastiques que nous avons reçues comme un don et non
comme une propriété ou une conquête personnelle.