Chapitre du 18
mai 2003
Les
veilles de la nuit (Cst. 23)
Dans la réforme de la
Prière des Heures lancée par Vatican II, l'Office des Vigiles est devenu, pour
le clergé séculier, les fidèles et les religieux actifs un "Office des
Lectures" célébré à n'importe quel moment de la journée. Mais, selon la Constitution de Vatican II sur
la Liturgie, cet Office, pour ceux et celles qui sont voués à la vie
contemplative, doit demeurer un véritable office des Vigiles, c'est-à-dire un
Office célébré durant la nuit.
Selon la tradition de l'Ordre les heures qui précèdent
le lever du soleil sont consacrées à Dieu de façon très appropriée par la
célébration des Vigiles, par la prière et la méditation, dans la sobre attente
du retour du Christ.
La "veille"
ou "vigile" est explicitement recommandée dans l'Écriture
Sainte. Elle fut pratiquée par le
Christ, comme les Évangiles nous en donnent plusieurs exemples, de même que par
les Apôtres et les premiers chrétiens.
Aussi les premiers moines, aussi bien les ermites que les cénobites, y
donnèrent une très grande importance. Cependant dans la tradition monastique,
cette prière de la nuit a une signification nettement distincte de celle des
deux grands moments de prière du début et de la fin de la journée (Laudes et
Vêpres) et des autres Heures qui furent ensuite ajoutées à ces deux points
cardinaux de la journée monastique.
À l'époque du
monachisme pachômien on ne connaît pas encore de "synaxe" nocturne
réunissant tous les frères. Les
"vigiles" sont considérées plutôt comme un exercice privé, qui doit
occuper une bonne partie de la nuit -- au moins la moitié. Au cours d'un voyage en barque sur le Nil
Pachôme explique a certains frères trois façons de
faire les Vigiles. Ou bien on prie la
première moitié de la nuit et on dort la seconde; ou bien on dort la première moitié et on prie
la seconde, ou bien on alterne les heures de prière et de sommeil.
Dans l'Évangile on voit
Jésus se retirer pour passer la nuit en prière chaque fois qu'il fait face à
une situation de crise ou chaque fois qu'il a une décision importante à
prendre. De même, dans la vie de saint
Pachôme et de ses premiers successeurs, on voit qu'ils se retirent pour passer
une nuit entière en prière chaque fois qu'ils se trouvent dans de telles
circonstances.
Dans l'ensemble, la
prière de la nuit possède deux dimensions principales. L'une est celle de la "vigilance" :
veiller pour ne pas tomber en tentation -- ne pas s'abandonner durant de
nombreuses heures successives au sommeil, la nuit étant considérée comme moment
privilégié du "prince des ténèbres".
Mais il y a aussi, et encore plus le désir de poursuivre, dans toute la
mesure où les forces physiques le permettent, la "prière
continuelle". C'est pourquoi, cette
prière de la nuit est très souvent accompagnée d'un léger travail manuel, comme
la fabrication de nattes ou de corbeilles de joncs, qui aide à rester éveillé.
Dans le monachisme
pachômien, la synaxe (ou réunion de prière) du matin, avait gardé elle aussi ce
caractère. Les frères se réunissaient et
s'assoyaient dans une grande salle commune.
Pendant qu'un frère récitait de mémoire des psaumes ou d'autres parties
des Écritures, chacun faisait un léger travail manuel. Après un certain nombre de psaumes le
supérieur donnait le signal; on se levait pour réciter ensemble le Pater les
bras étendus, on se prosternait par terre pour adorer, puis on s'assoyait de
nouveau et on continuait de travailler pendant qu'un autre frère continuait de
réciter des psaumes. Mis à part le
travail manuel, je crois que c'est l'atmosphère que doivent conserver nos
"vigiles" : non pas un moment de célébration solennelle (sauf pour
les nuits précédant les grandes fêtes de l'année liturgique), mais un moment de
prière très calme et contemplative. Une
autre dimension importante de ce moment de prière, mentionné dans notre
Constitution (23) est celle de vivre ainsi consciemment "l'attente du
retour du Seigneur".
Encore aujourd'hui,
dans le monachisme copte, en Égypte, l'office de nuit, même sur semaine, dure
plusieurs heures (jusqu'à quatre ou cinq heures). Mais cela est vécu d'une façon très
souple. Il n'y a pas de récitation
commune, mais une alternance de psalmodie (toujours faite par un psalmiste) et
de lectures (faites par un lecteur). Les
moines entrent et sortent à divers moments selon leurs forces physiques et
leurs besoins naturels ou encore les travaux qu'ils doivent aller faire.
Tout le reste de la
nuit, c'est-à-dire les heures qui suivent Complies et celles qui précèdent
Laudes doivent être aussi passées dans le calme, le silence et la communion
avec Dieu dans la vigilance du coeur.
C'est la meilleur façon de se préparer à une journée qui pourra demeurer
caractérisée par la paix intérieure même au milieu d'une activité qui pourra
parfois être très intense.
ST 23.A
L'heure du lever des frères est déterminée
de telle sorte que les Vigiles gardent leur caractère nocturne.
L'heure des Vigiles, et
donc l'heure du lever (et du coucher) varient d'un monastère à l'autre, selon
les climats et selon les états de santé.
Peu de communautés connaissent actuellement un lever à 2 heures du
matin, mais en général il n'est pas plus tardif que 4 heures ou 4 heures et
demi. Le Statut 23.A dit simplement que
"L'heure du lever des frères est déterminée de telle sorte que les Vigiles
gardent leur caractère nocturne", ce qui laisse une grande flexibilité,
mais qui exclut que dans nos monastères on puisse remplacer les Vigiles par un
"Office le Lectures" célébrées la veille au soir ou durant la
journée. Même si tous les moines ne
peuvent pas y être présents, pour des raisons de santé, il est important dans
le monde d'aujourd'hui que des lieux de prière comme le sont nos monastères
conservent cette tradition d'une attention commune à Dieu au cours de la nuit.