27 avril 2003
- Chapitre à la Communauté de Scourmont
La
lectio divina (Cst. 21)
La lectio divina fait l'objet de la Constitution nº 21. Il n'était évidemment pas question dans un texte
de quelques lignes de faire un traité sur la lectio divina, mais simplement de dire en quelques mots sa place dans
la vie monastique et de donner l'une ou l'autre orientation (orientation plutôt
que directive). Personnellement, j'ai
déjà parlé à diverses reprises de la lectio
dans des Chapitres antérieurs et je n'ai pas l'intention de reprendre ici
ce que j'ai déjà dit. Je me contenterai
de commenter brièvement le texte de notre Constitution.
C. 21 La
lectio divina
Une lectio divina assidue favorise grandement
chez les frères la foi en Dieu. Cet exercice excellent de la vie monastique,
où la Parole de Dieu est écoutée et ruminée, est source de prière; elle est
également école de contemplation où le moine s'entretient cœur à cœur avec
Dieu. Aussi les frères pratiquent-ils chaque jour une telle lectio
pendant un temps convenable.
La première phrase dit
que la lectio divina "favorise"
chez les frères la foi. Le verbe favoriser est une traduction un peu faible
du verbe latin "fovere"
qui signifie ici plutôt "réchauffer" ou "nourrir". Par foi
on n'entend certainement pas ici une foi intellectuelle, ou l'assentiment
à un certain nombre de vérités révélées. On
entend plutôt la foi dans son sens biblique, néo-testamentaire, de relation
personnelle avec Dieu. Cette relation
implique une connaissance de Dieu, qui se veut toujours plus éclairée et plus
personnelle. Il s'agit d'une connaissance
qui est à la fois du coeur et de l'intelligence -- inséparablement l'une et
l'autre. Il s'agit d'une fides quaerens intellectum -- d'une foi
cherchant la connaissance, mais la connaissance dans son sens le plus plénier
possible. C'est pourquoi je demeure
personnellement allergique à la distinction que l'on fait entre lectio et étude. Une étude qui ne serait
pas contemplative -- et qui ne serait donc pas lectio -- ne serait pas monastique du tout; et une lectio
qui ne rechercherait pas l'intelligence
risquerait d'être pure sentimentalisme qui ne saurait
déboucher sur la contemplation.
Ce qui est dit aussi dans
cette première phrase, c'est que pour nourrir et réchauffer la foi, la lectio doit être assidue et non pas faite
au fil des caprices ou simplement dans les moments libres. De plus il est affirmé que si la lectio est assidue, elle nourrit grandement la foi en Dieu.
Quelques-uns de ces aspects
de la lectio sont repris dans la
deuxième phrase, où il est dit que, dans la lectio la Parole de Dieu est écoutée et ruminée, et qu'elle est source
de prière. On pourrait même dire qu'elle
est non seulement source de prière mais, si elle est bien comprise et bien
faite, qu'elle est prière. Il est dit
aussi qu'elle est école de contemplation où le moine s'entretient coeur à
coeur avec Dieu. Ici de même, on devrait
dire qu'elle est non seulement source de contemplation, mais qu'elle est contemplation,
dans la mesure où elle est vraie.
Je suis un peu moins satisfait
avec les premiers mots de cette deuxième phrase qui parle de "cet exercice
excellent de la vie monastique". Je crois personnellement que la lectio est quelque chose de si essentiel
à la vie monastique, et qu'elle en est à tel point un élément constitutif,
qu'on la dénature dès qu'on commence à la considérer comme un "exercice"
-- ce que fait malheureusement la presque totalité de la littérature actuelle
sur la lectio, non fidèle en cela
à toute la tradition du monachisme primitif.
La troisième phrase, un
peu dans le même esprit, recommande aux frères de "pratiquer" cet
exercice chaque jour pendant un temps convenable. Oublions l'aspect "exercice" et retenons
que le contact personnel avec la Parole de Dieu doit faire partie de notre
vie quotidienne, et qu'il doit même y occuper une place considérable.
ST 21.A
La tradition tient en haute estime la lectio divina
faite en commun. Cette pratique est à recommander spécialement pendant le
carême.
Cette Constitution est
accompagnée d'un seul statut qui traite de la lectio divina en commun.
La formulation de ce statut a voulu respecter les sensibilités différentes
et les coutumes variées dans l'Ordre et n'établit pas de règle, même si elle
fait une recommandation.. La première phrase
affirme que "La tradition tient en haute estime la lectio divina en commun, et la seconde dit que cette pratique est
à recommander spécialement pendant le carême." Si l'on considère que plus on est souvent ensemble
et plus on fait de choses ensemble plus on est "communauté", on
tiendra évidemment à faire sa lectio
ensemble au scriptorium. Par ailleurs,
si l'on voit l'essentiel de la vie communautaire dans la prise en charge mutuelle
et dans le respect de la solitude de chacun autour d'un projet commun de vie
spirituelle, on pourra favoriser la lectio
dans les cellules ou les chambres privées.
Ce qui suppose évidemment une plus grande discipline.
Et il ne faut pas oublier
que les moments les plus importants de lectio divina dans la journée d'un moine sont les nombreuses lectures
de la Parole de Dieu au cours de l'Office Divin, et qu'il s'agit là effectivement
d'une lectio faite en commun.