6 avril 2003
Chapitre à la Communauté
de Scourmont
L'Oeuvre de Dieu (Cst. 19)
Nous sommes toujours
dans le chapitre de la seconde partie de nos Constitutions qui décrit les
éléments les plus fondamentaux de la "voie cistercienne". Après la constitution sur la célébration de
l'Eucharistie (Cst. 18) nous abordons aujourd'hui celle sur l'Oeuvre de Dieu.
À noter que nous avons conservé, dans le titre et dans les premiers
mots de la Constitution l'expression bénédictine traditionnelle de Opus
Dei (Oeuvre de Dieu), même si nous utilisons aussi dans le reste du texte
l'expression aujourd'hui plus répandue de "Liturgie des Heures".
1
A
l'Œuvre de Dieu, que rien ne soit préféré. C'est pourquoi la liturgie des
Heures est célébrée par la communauté qui accomplit en union avec l'Église
la fonction sacerdotale du Christ, offrant à Dieu le sacrifice de louange
et intercédant pour le salut du monde entier.
Le premier principe énoncé
est celui de la Règle "À l'Oeuvre de Dieu, que rien ne soit préféré".
C'est là la raison pour laquelle la communauté célèbre chaque jour
la Liturgie des Heures. On remarquera que toute cette Constitution
reprend plusieurs formules et surtout l'esprit de la Constitution de Vatican
II sur la liturgie (Sacrosanctum concilium). Alors que, par le passé, ce qui était mis en avant était le fait
que certaines personnes dans l'Église étaient "déléguées" pour célébrer
la liturgie et étaient donc "obligées" de le faire, la perspective
conciliaire est que la liturgie est la "prière de l'Église" parce
qu'elle est l'expression visible d'une Église locale en prière.
Et lorsqu'une communauté locale accomplit ce service, cette "oeuvre
de Dieu", elle le fait en communion avec l'Église universelle qui continue
la fonction sacerdotale du Christ avec sa double fonction de sacrifice de
louange au Père et d'intercession pour le salut du monde entier.
ST 19.1.A
Puisqu'elle est sanctification de la journée, l'Œuvre de Dieu est accomplie
aux heures convenables fixées par la tradition cistercienne et la coutume
locale
De ce premier énoncé théologique
(résumé très succinct de la théologie de l'Office Divin), on déduit un premier
statut pratique (ST 19.1.A). Puisque
la Liturgie des Heures a pour but de sanctifier la journée par un rythme constant
de moments de prière, il est important pour une communauté monastique, encore
plus que pour des prêtres séculiers, de bien respecter la "vérité des
Heures" et donc de ne pas bloquer deux ou trois offices ensemble à une
heure qui ne convient évidemment pas à au moins l'un ou l'autre de ces Offices.
2
La
liturgie des Heures est une école de prière continuelle et un élément très
important de la voie monastique. C'est la tâche de l'abbé de stimuler chez
les frères le zèle pour l'Œuvre de Dieu.
Après l'affirmation du
premier paragraphe, sur le sens théologique de l'Oeuvre de Dieu, on décrit
dans un second paragraphe l'un de ses rôles, ou l'un de ses effets dans la
vie de la communauté. On dit qu'elle
est une "école de la prière continuelle" et donc un élément très
important de la voie monastique. On
rappelle ainsi encore une fois que le précepte évangélique fondamental, pour
le moine comme pour tout Chrétien, en ce qui concerne la prière, est le précepte
de la prière continuelle. La
prière commune est, au sein d'une communauté cénobitique, à la fois la mise
en commun de cet élément essentiel de notre communion avec Dieu et aussi une
"école de prière", en particulier à travers la récitation constante
des psaumes qui sont l'expression d'une tradition plusieurs fois millénaires
de prière. On rappelle donc à l'abbé qu'une partie de
sa tâche est de stimuler chez les frères le zèle pour l'Oeuvre de Dieu. À noter qu'on ne lui demande pas de rappeler
sans cesse aux frères une "obligation", mais de stimuler leur zèle.
D'ailleurs nous savons qu'une des conditions pour être reçu en communauté
est d'avoir démontré un véritable zèle pour l'Opus Dei.
Suivent trois Statuts
qui ont chacun une importance pratique très grande.
ST 19.2.A
Que la célébration soit mise en œuvre de telle
sorte qu'elle exprime l'esprit de la communauté et amène les frères à une
pleine participation.
Le premier (ST 19.2.A)
est le fondement de ce qu'on a appelé la "Loi Cadre". Le principe implicite affirmé ici est que l'Office
Divin ne doit pas être simplement la récitation de textes et l'observance
de rites identiques pour toute l'Église ou tout l'Ordre, mais doit exprimer
l'esprit et l'expérience spirituelle propre de chaque communauté, convaincus
que c'est là la meilleure façon d'amener les frères à une pleine participation.
Une communauté de dix personnes ne célèbre pas de la même façon qu'une
communauté de 150; et (à l'époque où nous avons rédigé ces Constitutions)
une communauté composée surtout de prêtres et bien formée au chant grégorien
ne pouvait célébrer de la même façon qu'une communauté constituée en majeure
partie d'anciens frères convers habitués à une liturgie plus dépouillée. C'est pourquoi nous avons obtenus du Saint Siège une "Loi Cadre"
(que nous sommes les premiers à voir obtenue, et qui fut ensuite étendue à
d'autres Ordres et Instituts). Elle
permet à chaque communauté d'élaborer la structure de son Office à l'intérieur
d'un certain cadre qui demeure le même pour tous.
ST 19.2.B
Dans des cas particuliers, l'abbé peut déterminer la façon dont un moine
prend part à la liturgie chorale des Heures. Il ne le fait qu'après un examen
sérieux avec le frère lui-même et compte tenu des besoins de la communauté.
Le deuxième statut (ST
19.2.B) a été très difficile à rédiger et a connu de nombreuses rédactions
successives. Il est lié à la situation créée par l'unification de nos
communautés et donc, d'une part par le fait que certains moines (surtout d'anciens
frères convers) ne se sentaient pas appelés à participer à tous les Offices
et que, d'autre part, certains services communautaires doivent souvent être
remplis aux heures des Offices. Il
est donc prévu que l'abbé peut déterminer avec un moine la part de l'Office
commun à laquelle il participera. Il
ne s'agit donc pas d'une décision unilatérale de chaque moine qui décide quels
sont les Offices auxquels il participera ou ne participera pas, mais d'un
discernement avec son abbé. De plus,
dans ce discernement, le moine et l'abbé doivent tenir compte non seulement
des besoins spirituels du moine en question, mais aussi de l'ensemble de la
communauté.
ST 19.2.C
Dans des cas exceptionnels, l'Abbé Général,
avec le consentement de son conseil, peut dispenser une communauté d'une ou
de deux petites Heures.
Le troisième statut (ST
19.3.C) prévoit que, dans des cas exceptionnels, l'Abbé Général, avec le consentement
de son Conseil, peut dispenser une communauté de la célébration commune d'une
ou de deux petites Heures. Ce statut
n'a jamais été d'une application facile. Il avait pour but de donner une justification
canonique à des situations où, surtout pour des raisons de travail, il n'était
pas possible de célébrer les trois petites Heures à l'heure convenable.
De toute façon, il est préférable, liturgiquement, d'omettre une petite
Heure que d'en fusionner deux. (Autre
chose est le regroupement dans une seule heure des psaumes prévus pour deux).
3
Le
frère occasionnellement absent de la célébration chorale accomplit les Heures
selon la disposition prise par l'abbé et les normes du droit universel.
Enfin le troisième paragraphe
de la Constitution rappelle que, dans tous les cas, un frère absent occasionnellement
de la célébration chorale doit réciter en privé les Heures où il n'a pas pu
être présent au chœur. C'est là une
obligation faite par la Constitution conciliaire de Vatican II et par le Droit
canon à tous les clercs et à tous les profès. Elle ne provient pas du droit de l'Ordre et
ne peut être infirmée par celui-ci. Par
ailleurs l'abbé, en tant qu'"ordinaire" peut soit en dispenser dans
des cas particuliers, soit déterminer en dialogue avec les frères concernés
la façon dont ils substitueront les Offices "manqués".
* * *
De toute façon, il est
bon de remarquer que ce bref texte juridique sur l'Oeuvre de Dieu ne part
pas de la notion d'obligation et de délégation, comme dans les textes pré-conciliaires,
mais part d'une notion théologique de la prière commune. L'obligation -- car elle existe --- découle
simplement de la nature et de la place de la prière commune dans une vie cénobitique
chrétienne. Elle est donc mentionnée,
mais en second lieu, comme une conséquence des principes théologiques et spirituels.