23 mars 2003
Chapitre à la Communauté
de Scourmont
La célébration de l'Eucharistie
(Cst. 18)
L'Eucharistie est la source et le
sommet de toute vie chrétienne et de la communion des frères dans le Christ.
Aussi est-elle célébrée chaque jour par toute la communauté. En effet, par
la participation au mystère pascal du Seigneur, les frères sont unis plus
étroitement entre eux et avec l'Eglise entière.
La Constitution 18 est
très brève, même si elle traite de l'élément le plus central de la vie sacramentelle
chrétienne : l'Eucharistie. Elle comporte
trois phrases plutôt courtes. La première est une affirmation théologique selon laquelle l'Eucharistie
est à la fois la source et le sommet non seulement de la vie chrétienne en
général, qui est une vie de communion, mais plus spécifiquement, de la communion
des frères dans le Christ. Cela veut
dire que c'est, d'une part, à travers la célébration de l'Eucharistie que
nous recevons le don de la communion et que, d'autre part, nous exprimons
sacramentellement cette communion en célébrant, rendant ainsi visible le mystère
de l'Église.
La deuxième phrase en
tire une conclusion pratique, c'est que l'Eucharistie doit être célébrée chaque
jour par toute la communauté. Il s'agit
bien, chaque fois, d'une célébration. Si
cette célébration peut être moins solennelle sur semaine et plus solennelle
le dimanche, il n'en reste pas moins qu'il s'agit toujours d'une "célébration",
et donc d'une "fête". Elle ne doit donc jamais être simplifiée au
point qu'il ne reste plus aucun élément de "fête". Puisqu'il s'agit d'une célébration communautaire,
elle doit réunir toute la communauté, qui s'y exprime dans sa réalité de communion,
étant bien entendu que certains peuvent être occasionnellement retenus ailleurs
par un service de la communauté ou pour un autre motif raisonnable.
Les plus anciens parmi
nous se souviennent de la période pré-conciliaire, quand les prêtres célébraient
tôt le matin, après les Vigiles, leurs "messes privées", et assistaient
ensuite, en fin de matinée, à la messe conventuelle, à laquelle ils ne communiaient
pas et à laquelle ne participaient pas les frères convers -- qui avaient servi
les messes privées et qui étaient déjà au travail.
La redécouverte, à Vatican
II, du sens profond de l'Eucharistie comme sacrement de la communion, a conduit
à l'introduction de la concélébration. Il
est vrai que celle-ci n'avait été prévue à Vatican II que pour des occasions
solennelles où il convenait d'exprimer l'unité du presbyterium. Mais, tout de suite après le Concile est s'est
généralisée dans les monastères, puisqu'elle permettait de corriger la situation
que je viens de mentionner.
En réalité, il n'y a qu'un
sacrifice, qui est celui du Christ, rendu présent dans chaque célébration
eucharistique, afin que nous puissions tous nous y unir. Il n'y a pas plus -- ou moins -- de louange
rendues à Dieu et de grâces spirituelles reçues, que ce sacrifice du Christ
soit rendu présent à travers une seule célébration à laquelle tous participent
ou à travers de nombreuses célébration simultanées dans la même communauté.
Les prêtres ayant été ordonnés pour le ministère sacramentel, et donc
tout d'abord pour celui de l'Eucharistie, on comprend qu'ils désirent généralement
"exercer leur sacerdoce" chaque fois qu'ils participent à l'Eucharistie
-- ce que la concélébration permet de faire.
Mais il reste que ce qui est important est que chacun s'unisse au sacrifice
du Christ, et que, en ce qui concerne l'honneur rendu à Dieu et les grâces
reçues par les participants, il n'y a pas de différence, que le Sacrifice
du Christ soit rendu présent par le ministère d'un seul célébrant ou par le
ministère de plusieurs, qui concélèbrent.
C'est pourquoi un certain nombre de prêtres dans nos monastères préfèrent
ne pas concélébrer et participer simplement à l'Eucharistie comme tous les
membres non prêtres de la communauté. C'est
là un choix personnel tout à fait légitime, d'autant plus qu'il y a quelque
chose d'anormal à ce que les "célébrants" soient plus nombreux que
le "peuple". (C'est ainsi que lors du Chapitre Général,
par exemple, plusieurs abbés préfèrent ne pas concélébrer et participer à
l'Eucharistie comme les abbesses et les autres membres non-prêtres de l'assemblée).
En tout cas, lors de la concélébration dans nos communautés monastiques,
il convient d'éviter une séparation entre le groupe des concélébrants et le
petit groupe des "assistants" et de souligner le plus possible l'unité
de la communauté célébrante. D'autant plus que, comme le dit la troisième
et dernière phrase de la Constitution, par ce sacrement de l'Eucharistie les
frères sont unis chaque fois plus étroitement entre eux et avec l'Église entière.
La deuxième phrase de
la Constitution dit que cette célébration doit être célébrée chaque jour. L'attitude face à la fréquence de l'Eucharistie
a varié selon les siècles. À l'époque
de saint Augustin il y avait des pratiques diverses selon les Églises.
En certains endroits on ne célébrait que le dimanche, comme au début
de l'Église. En d'autres endroits on célébrait aussi deux
autres jours par semaine, le mercredi et le vendredi. Enfin en quelques endroits la pratique de la célébration quotidienne
était apparue. À quelqu'un qui lui
demandait quelle était la meilleure pratique, Augustin répondit que, pour
un Chrétien, la meilleure pratique consistait à se conformer à la coutume
de l'Église où il se trouvait. En
effet, ce qui est important être de rester uni au Sacrifice du Christ. C'est là l'essentiel. Que cette union soit
maintenue à travers une célébration plus ou moins fréquente cela reste secondaire.
À notre époque la célébration quotidienne est devenue la pratique de
l'Église. Il convient donc de se conformer à cette pratique, comme le droit
canon le demande à tous les religieux. Mais
il ne faut pas en faire une question d'ordre purement numérique.
Ainsi, par exemple, si je dois me rendre dans une autre communauté
pour une réunion ou des funérailles, et que je puisse célébrer ici avant de
partir, je suis heureux de pouvoir célébrer deux fois, chaque fois avec une
communauté. Par ailleurs, si je dois
partir en voyage à une heure qui me fait manquer la célébration eucharistique
ici, et que je n'ai pas la possibilité de participer à la célébration d'une
autre communauté, je ne vois pas d'obligation de célébrer ce jour-là une "messe
privée", surtout si je devrais la célébrer seul. L'important encore une fois est de s'unir à
l'unique sacrifice du Christ et, dans toute la mesure du possible, de le faire
dans la façon qui manifeste le plus visiblement possible le mystère de la
communion à travers la visibilité de la communauté célébrante.
Et il ne faut pas oublier
que chaque célébration, en nous construisant et en nous exprimant comme "église
locale", nous unit à l'Église universelle, faite de la communion entre
les églises locale.