Dimanche, 2 mars 2003

Chapitre à la Communauté de Scourmont

 

 

La participation active des frères (Cst. 16)

 

1

Les frères ont le droit et le devoir de participer pleinement à la vie commune; cette participation peut cependant se réaliser de différentes manières.

 

2

Tous les frères, en effet, sont appelés à se témoigner mutuellement leur sollicitude, à s'entraider et à s'obéir les uns aux autres. Ils ont donc le souci de l'état spirituel de leur communauté, sachant quel bien procure à tous le bon zèle d'un seul et quel mal peut causer un zèle amer.

 

3

L'abbé conduit les frères avec le respect dû à la personne humaine créée à l'image de Dieu, en stimulant leur obéissance spontanée et en favorisant opportunément leurs dons pratiques et intellectuels. Il les amène ainsi à coopérer en obéissance active et responsable dans les charges à remplir et les initiatives à prendre, restant sauve cependant son autorité de décider et d'ordonner ce qu'il y a à faire.

 

4

L'abbé et les responsables communiquent aux frères ce qui est de l'intérêt de tous et ils accueillent volontiers leurs souhaits et suggestions.

 

 

            Cette Constitution avait, dans les versions antérieures à la rédaction définitive le titre de "Coresponsabilité",  qui, à mon avis, exprimait mieux le contenu et l'orientation du texte, mais qui faisait quand même problème à certains.  Ceux-ci avaient en effet peur que l'idée de "coresponsabilité" ne conduise à une diminution de l'autorité des "responsables".  Quoi qu'il en soit, le titre actuel est très bien et souligne un aspect important de la participation des frères à la vie de la communauté : ce doit être une participation active.  En effet le danger est réel de concevoir la coresponsabilité uniquement comme une participation à toutes les prises de décision sans assumer aucune réelle responsabilité pour leur mise en pratique ou même pour la qualité de vie de la communauté. 

 

            Notre texte énonce d'emblée que "participer pleinement à la vie commune" est à la fois un droit et un devoir.  Il s'agit bien de la participation à la vie commune et pas nécessairement la participation à toutes les prises de décisions dans tous les domaines d'activité de la communauté.  C'est le droit qui est mentionné d'abord.  Ainsi, si un frère était chargé de responsabilités ou d'occupations qui l'empêcheraient systématiquement de participer à des aspects importants de la vie commune tel que la prière en commun, les repas et les réunions communautaires, on pourrait considérer qu'il est privé d'un de ses droits.  Par ailleurs il y a aussi pour tous un devoir de participer à tous les aspects de la vie communautaire à moins évidemment d'avoir un empêchement légitime.  Il ne s'agit pas simplement d'un devoir juridique abstrait, mais d'un devoir à l'égard de chacun de ses frères envers qui on a assumé des obligations au moment où on est entré dans la communauté.

 

            La première dimension -- et la plus importante -- de la coresponsabilité est que tous sont responsables de la qualité spirituelle et humaine de la vie de la communauté; que tous les frères doivent se témoigner mutuellement une grande sollicitude, qu'ils doivent s'entraider dans tous leurs besoins spirituels et matériels et qu'ils doivent, conformément à la Règle de saint Benoît, s'obéir les uns aux autres.  C'est l'application des chapitres de la Règle sur l'obéissance mutuelle et le bon zèle.

 

            Le troisième paragraphe, et le plus long, rappelle à l'abbé ses devoirs en ce domaine.  Le premier et le plus important est le profond respect qu'il doit avoir pour chacun de ses frères, comme pour toute personne humaine créée à l'image de Dieu.  Toute conception ou tout exercice de l'autorité qui, même sous le prétexte de motivations religieuses, manquerait à ce respect serait inacceptable du point de vue évangélique.  Cela ne nie aucunement les exigences de l'obéissance religieuse, assumées au moment de la profession;  mais l'exercice de l'autorité doit être tel que cette obéissance soit spontanée, enracinée dans une vision de foi et une conscience communautaire.  Un aspect de ce respect de chaque personne consiste non seulement à reconnaître mais à favoriser opportunément les dons pratiques et intellectuels d'un chacun.  En même temps chacun doit accepter que l'utilisation et l'exercice de ses dons sont conditionnés par les besoins et les circonstances de la vie de la communauté.  Une partie importante de la charge du supérieur consiste à répartir entre les frères, selon leurs talents et leurs possibilités, les charges à remplir et les initiatives à prendre, étant bien entendu qu'il s'agit toujours d'une coopération active et responsable à l'autorité que l'abbé a reçue lorsqu'on lui a demandé d'être le médiateur ou le vicaire de la paternité du Christ à l'égard de la communauté.

 

            Une dimension essentielle de la vie cénobitique est celle du service.  La responsabilité de plusieurs aspects concrets de la vie communautaire (par exemple, la cuisine, l'infirmerie, l'hôtellerie, tel atelier, la comptabilité, etc) est confiée à certains frères.  Cela permet à tous les autres de vaquer paisiblement à la prière contemplative avec un esprit reposé, tout en accomplissant chacun son service propre.  Vouloir que tous interviennent constamment dans toutes les décisions prises dans chacun de ces secteurs serait précisément détruire cette orientation contemplative de la vie commune. 

 

            Pour que ceci se vive sainement, il faut que les frères soient informés en temps et lieu de ce qui est de l'intérêt de tous et qu'une opportunité leur soit donnée  d'exprimer leurs suggestions et leurs souhaits, sachant qu'ils seront pris en considération.  Il faut savoir trouver un juste milieu entre l'absence d'information et de consultation, qui aboutirait à laisser toutes les décisions concernant la marche de la communauté dans les mains de quelques personnes, et, à l'opposé, des échanges à n'en plus finir sur des questions sans grande importance dont la solution peut facilement être laissée à la responsabilité d'une ou de quelques personnes.  Ici comme en beaucoup de domaines, la clé de la solution est la discretio bénédictine.

 

            Il convient de noter, en terminant, que cette Constitution reprend les idées fondamentales d'un document publié par le Chapitre Général de 1977 sous le titre de "Document du Chapitre Général en vue de stimuler la participation responsable" (Compte rendu, page [30]; Actes, pages 12-13).  Cette note avait été rédigée en réponse à ce que le Chapitre avait perçu comme une tendance "à un certain individualisme qui tend à organiser son propre style de vie sans tenir compte de la communauté en tant que telle".  La préoccupation centrale de ce document était de promouvoir l'unité de chaque communauté, qui avait fait l'objet d'une "Directive pastorale sur l'unité dans nos communautés" au Chapitre Général de 1974.