2 février 2003

Chapitre à la Communauté de Scourmont

 

 

La vie cénobitique (Cst. 13)

 

            La Constitution 13 a pour but de souligner la dimension cénobitique de la vie cistercienne et de développer les éléments les plus importants de cette vie commune.  Elle comporte trois sections. (Nous laisserons de côté pour le moment les "statuts" accompagnant chacun de ces numéros). 

 

            Durant toute la période où nous travaillions à la rédaction de nos Constitutions, il y avait dans notre Ordre un mouvement visant à faire reconnaître la possibilité qu'une vocation cistercienne débouche sur une expérience de vie érémitique.  Cette possibilité est effectivement reconnue dans les Constitutions.  Mais il fallait tout d'abord affirmer que la vocation cistercienne est, en elle-même, essentiellement "cénobitique".  Cela est affirmé d'emblée par la première phrase, qui ne fait que reprendre le premier élément de la vie cénobitique selon saint Benoît.  Le cénobite est celui qui vit in monasterio.  La traduction française de nos Constitutions dit : "Le moine mène la vie commune en son propre monastère".  Même s'il ne s'agit que de nuances, il vaudrait sans doute mieux inverser les deux membres de phrases et traduire d'une façon un peu plus littérale: "Dans son propre monastère, le moine mène la vie commune".  Il a déjà été dit que le moine vit in monasterio.  Il s'agit maintenant d'expliciter qu'il y mène non pas une vie érémitique, mais une vie commune, et de préciser les éléments les plus essentiels de cette vie commune.

 

C. 13                La vie cénobitique

 

1

Le moine mène la vie commune en son propre monastère. La loi de la vie commune est unité de l'esprit dans la charité de Dieu, lien de la paix dans un mutuel et constant amour de tous les frères, communion dans le partage de tous les biens.

 

            Toute la première section de la Constitution est une citation de Baudoin de Ford.  L'essentiel de la vie commune ce n'est pas d'être toujours ensemble et de tout faire ensemble, mais bien d'être liés les uns aux autres par un amour mutuel, par les liens de la paix, dans l'unité de l'esprit et de la charité de Dieu.  C'est d'ailleurs cette vision qui permet que l'on puisse admettre en certain cas qu'un moine adopte une forme érémitique de vie tout en demeurant pleinement membre de la communauté, puisque l'essentiel de la vie communautaire est dans cette communion des esprits et des coeurs et non d'abord dans la proximité physique.  Le partage de tous les biens est aussi mentionné d'une part parce que c'est une conséquence logique de l'union des coeurs (cf. la communauté primitive de Jérusalem : ils n'avaient qu'un coeur et qu'une âme et en conséquence ils mettaient tout en commun); et d'autre part parce que toute appropriation personnelle des bien communs mine rapidement l'esprit communautaire.


 

2

Les frères supportent avec la plus grande patience leurs infirmités et se servent mutuellement avec humilité. Par la prière et d'autres moyens appropriés, ils viennent en aide aux faibles, à ceux qui sont troublés et souffrants. Ils entourent les malades, les vieillards et les mourants de soins prévenants et d'affection.

 

            Au monastère comme ailleurs, les petits, les faibles, ceux qui souffrent de maladies physiques ou autres sont les privilégiés de Dieu.  Saint Benoît y insiste dans sa Règle, en particulier au chapitre 72 sur le bon zèle, cité dans la seconde section de cette Constitution.  Cette section comporte trois éléments distincts, exprimés en trois phrases. La première souligne l'importance de se servir mutuellement avec humilité et de porter les fardeaux les uns des autres en supportant avec patience les infirmités que tous nous avons, qu'elles soient d'ordre physique, psychologique ou autre.  La deuxième phrase rappelle qu'il y a toujours dans une communauté des personnes qui, à un moment ou l'autre, peuvent être plus faibles et même troublés et souffrants -- leur souffrance pouvant prendre de nombreuses formes.  Il est simplement dit qu'il faut leur venir en aide par la prière et autres moyens.  Enfin la troisième phrase souligne l'importance de garder les malades, les vieillards et les mourants bien au coeur de la vie communautaire, non seulement en leur procurant tous les soins professionnels dont ils ont besoin mais aussi en leur manifestant une présence attentive et affectueuse.  L'attention portée aux membres de la communauté confinés à l'infirmerie peut être considéré comme un des baromètres de la qualité de la vie fraternelle au sein d'une communauté.

 

3

Le moine ne peut quitter le monastère sans permission de l'abbé. Dans le cas d'une absence prolongée, l'abbé, avec le consentement de son conseil et pour une juste cause, peut accorder à un moine de vivre en dehors du monastère, mais pas au-delà d'une année, à moins que ce ne soit pour soigner une maladie ou pour raison d'études ou, dans des cas exceptionnels, pour mener la vie érémitique.

 

            Si, comme cela a été affirmé au début, l'essentiel de la vie commune se trouve dans le fait d'avoir un seul coeur et un seul esprit dans une même charité, elle n'implique pas nécessairement la présence physique, ce qui fait qu'un frère absent de la communauté puisse demeurer membre de celle-ci à part entière.  Par ailleurs puisqu'un cénobite est aussi quelqu'un qui vit "sous une règle et un abbé", toute absence devra se faire dans les cadres prévus par la Règle et les Constitutions et en obéissance à l'abbé.  C'est ce que rappelle la troisième section.  Celle-ci rappelle que toute absence du monastère se fait dans une attitude d'obéissance.  Il y a évidemment une série de sorties brèves pour lesquelles la "permission" est donnée d'une façon implicite et permanente; par exemple une visite chez le médecin ou encore une sortie requise par l'exercice normal d'une responsabilité communautaire.

 

            Pour des absences plus prolongées, il faut un discernement communautaire. C'est-à-dire que le moine devra obtenir une permission de son abbé qui lui-même aura besoin du consentement de son conseil et devra d'abord s'assurer qu'il y a une juste cause.  Dans certains cas, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de soigner une maladie, de poursuivre es études ou de mener une vie érémitique en dehors de la propriété du monastères, cette permission vaut pour aussi longtemps qu'existe la "juste cause" qui l'a justifiée.  Dans tous les autres cas la permission que peut donner l'abbé avec le consentement de son Conseil  est limitée à un an.  C'est une façon de rappeler que chaque communauté fait partie de communautés plus larges : l'Ordre et l'Église.  Une absence plus longue exige un indult venant soit de l'Ordre, soit du Saint-Siège, ce qui implique de la part de l'un et de l'autre une certaine responsabilité concernant l'authenticité de la vie cénobitique des communautés individuelles.