Chapitre à la Communauté de Scourmont

Dimanche, le 1 décembre 2002

 

 

La caractéristique de l’Ordre (Cst. 4)

 

            La Constitution nº 4, qui a pour titre « La caractéristique de l’Ordre », et qui comporte trois numéros, est celle qui décrit le mieux ce qui constitue la spécificité propre de notre Ordre, face au charisme des autres Ordres ou Congrégations monastiques.  Il s’agit d’un communion entre les communautés, qui est essentiellement un lien de charité, mais qui s’exprime aussi dans une structure juridique tout en respectant totalement l’autonomie de chaque communauté. 

 

            Le premier numéro exprime bien que ce lien est tout d’abord un lien de communion et de charité, qu’il a pour but de s’entraider, de s’apporter un réconfort et un soutien mutuel et que cette entraide s’adresse d’abord aux efforts que nous devons faire constamment pour mieux comprendre et mieux exprimer notre patrimoine commun.

 

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Les communautés de l'Ordre répandues à travers le monde sont rassemblées dans l'unité par le lien de la charité. Associées les unes aux autres par une telle communion, elles sont en mesure de s'entraider pour mieux comprendre et exprimer plus efficacement leur patrimoine commun. De même elles peuvent s'apporter mutuellement réconfort et soutien dans leurs diverses difficultés.

 

            Cette affirmation de l’importance de l’autonomie de la communauté locale n’est pas toujours bien comprise.  Certains y voient simplement l’affirmation d’un désir d’indépendance et d’absence de contrôle.  Il s’agit de tout autre chose.  L’autonomie ne signifie pas refus d’aide, et surtout pas refus de la correction fraternelle, qui peut s’exprimer par exemple, durant une Visite Régulière, mais elle signifie que personne de l’extérieur ne peut intervenir dans l’administration interne de la communauté aussi longtemps que cette administration est faite selon les normes du droit.  C’est cette autonomie qui a permis à des communautés de redonner un nouveau souffle à l’Ordre durant des périodes difficiles ou de décadence, au moment où le grand corps de l’Ordre était trop affaibli pour réaliser une réforme.  Un exemple bien connu est celui de l’abbaye de La Trappe au moment de l’abbé de Rancé.

 

            Cette autonomie permet à chaque communauté, sous la conduite de son abbé, et dans le respect de la Règle et des Constitutions communes, de se donner un visage propre et de répondre à ses propres défis.  Cette autonomie n’est limité que par le fait que les communautés locales en ont déléguée une petite partie au Chapitre Général à travers le texte même des Constitutions.  Loin d’avoir une autorité « absolue », le Chapitre Général n’a aucune autre autorité que celle qui lui est ainsi déléguée.  Le fait que certaines communautés, dans des circonstances spéciales, et particulièrement de nos jours, doivent dépendre de la charité des autres communautés, soit matériellement (ce qui est le cas d’un très grand nombre de communautés) soit en personnel (ce qui est le cas d’un nombre assez grand quoique moindre), ne signifie pas qu’elles doivent perdre leur autonomie.  C’est ainsi que, lors de notre dernier Chapitre Général, nous avons reconnu que même lorsqu’une communauté pour diverses raisons ne peut procéder à l’élection d’un supérieur, elle ne perd pas son droit à avoir un supérieur propre, avec pouvoir « ordinaire » et non un supérieur « délégué » ou vicaire d’un autre (ce qui serait une forme de tutelle).  Préserver cette autonomie est préserver la capacité d’une communauté affaiblie de rebondir et de retrouver une jeunesse sans cesse renouvelée.

 

2

Cette communion prend forme juridique dans le gouvernement de l'Ordre selon la Charte de Charité interprétée par les normes des présentes constitutions. Abbés et abbesses, assemblés en deux Chapitres, exercent une sollicitude commune pour toutes les communautés de l'Ordre, dans les choses divines et humaines. Cette charge pastorale est mise en œuvre selon la tradition à travers les institutions de la filiation, de la visite régulière et du Chapitre Général. En outre, d'autres organes de dialogue, de coopération et d'entraide mutuelle ont vu le jour; ils favorisent la communion de tout l'Ordre et permettent d'adapter effectivement les desseins des fondateurs aux conditions actuelles.

 

            Une fois cette autonomie bien affirmée et établie, on peut passer à l’affirmation de la collégialité qu’on retrouve clairement dans le deuxième paragraphe de cette Constitution même si le mot « collégialité » ne s’y trouve pas parce que la compréhension qu’en avaient certains au moment de la rédaction de nos Constitutions le rendait un peu « tabou ».  Ce qui est affirmé ici c’est que lorsque quelqu’un, dans notre Ordre, reçoit la responsabilité sur sa communauté, il reçoit en même temps une co-responsabilité sur l’ensemble de l’Ordre et sur l’ensemble des communautés de l’Ordre.  Il ne s’agit pas d’un pouvoir de décision ou d’intervention arbitraire.  Il s’agit d’une « sollicitude pastorale commune » qui s’exerce à travers les structures juridiques de l’Ordre, en particulier la filiation, la Visite Régulière et le Chapitre Général.  Il faut, de nos jours, ajouter à cette liste plusieurs autres organes de coopération et d’entraide, à commencer par les Conférences Régionales.

 

            Le troisième numéro de cette Constitution reprend l’essentiel du Statut sur l’Unité et le Pluralisme de 1969, et est un témoin du changement de mentalité réalisé alors.  Durant plusieurs siècles, au moment où la majorité des communautés de l’Ordre se trouvaient dans la même vieille Europe et que les cultures évoluaient à un rythme très lent, l’uniformité des observances, souvent jusque dans des détails de très peu d’importance, avait été un des moyens de conserver et d’exprimer l’unité de charité reliant les monastères de l’Ordre.  De nos jours, avec l’expansion de l’Ordre sur tous les continents et dans de nombreuses cultures, celles-ci évoluant à un rythme accéléré, il était devenu impératif de laisser à chaque communauté une grande autonomie dans son adaptation à la culture locale, mais toujours dans un « dialogue » avec les autres communautés de l’Ordre.

 

            Il faudra être vigilants, au cours des années à venir, pour préserver cet équilibre propre à notre Ordre entre autonomie locale et communion dans la charité ;  car un empressement qui se veut charitable mais n’est pas toujours éclairé pousse souvent certains à vouloir décider de l’avenir des communautés considérées « précaires » sans respecter suffisamment leur droit à décider elles-mêmes dans une totale autonomie. 

 

 

3

Selon la Charte de Charité, les cisterciens de la Stricte Observance vivent d'une même charité, selon une même règle et un genre de vie semblable. Il revient à chaque communauté, dans le dialogue avec les autres, de trouver des voies qui lui permettront une expression vivante du patrimoine de l'Ordre dans sa propre culture, compte tenu des circonstances particulières, en sauvegardant toujours cependant les normes établies par le Chapitre Général.