20 octobre 2002 – Chapitre à la Communauté de Scourmont

 

 

Constitution nº 2 : La nature de l’Ordre

 

 

            Après avoir commenté assez longuement l’Avant-propos de nos Constitutions, je commence maintenant le commentaire du texte des Constitutions elles-mêmes.  J’omets la Cst. 1, qui est un simple résumé du long Avant-propos commenté au cours des derniers dimanches.

 

            Les Constitutions sont divisées en trois parties, et l’ordre de ces parties est tout juste l’inverse de celui des Constitutions pré-conciliaires.  Celles-ci traitaient d’abord de l’autorité du Chapitre Général, puis de l’Abbé Général et descendaient graduellement vers le bas de la pyramide.  L’idée fondamentale des Constitutions actuelles est que, au coeur de l’Ordre se trouve la communauté locale ;  au coeur de la communauté locale se trouve le moine ou la moniale ; et au coeur du moine ou de la moniale se trouve le Christ.  Après quelques notions préliminaires sur la nature et l’esprit de l’Ordre, on part de l’appel de Dieu et de la réponse du moine ou de la moniale.  On parle ensuite de la communauté où il vit cette réponse dans une vie d’ascèse et de prière dont les principaux éléments sont mentionnés.  Cette communauté est structurée et comprend un certain nombre de services.  On parle donc du service abbatial.  On décrit ensuite comment on entre dans une communauté et comment on y est formé.  Si une communauté se développe, elle pourra être amenée un jour à faire des fondations.  On parle donc des fondations.  Les diverses communautés locales sont réunies dans une communauté de communautés qu’on appelle l’Ordre.  On parle donc ensuite de la réalité de communion et de co-responsabilité qui constitue l’Ordre, puis des structures que celui-ci s’est données, en particulier celle du Chapitre Général et enfin de l’Abbé Général qui doit voir à la cohésion de l’Ordre entre les Chapitres Généraux.  Il y a une réelle vision théologique contenue dans cette façon d’ordonner la matière.

 

            La Première partie, qui est très brève, s’intitule « Le Patrimoine cistercien » et, après la première Cst, de caractère historique, elle comprend seulement trois autres Constitutions qui traitent successivement 1) de la nature et du but de l’Ordre ;  2) de l’esprit de l’Ordre et 3) de la caractéristique de l’Ordre.  Lisons attentivement la Cst 2, intitulée La nature et le but de l’Ordre.

 

C. 2                  La nature et le but de l'Ordre

 

Cet Ordre est un institut monastique intégralement ordonné à la contemplation; c'est pourquoi les moines, dans l'enceinte du monastère, se consacrent au culte divin, en suivant la Règle de saint Benoît, et assurent l'humble et noble service de la divine Majesté dans la solitude et le silence, dans la prière assidue et une joyeuse pénitence, en menant la vie monastique telle qu'elle est définie dans les présentes constitutions.

 

            Il s’agissait dans cette Constitution de bien nous situer parmi les diverses formes de vie chrétienne officiellement reconnues dans le Code de Droit Canon.  On sait que la révision du Code de droit Canon avait été annoncée par Jean XXIII, à la Basilique Saint Paul, le 25 janvier 1960 (ou 1961 ?) en même temps qu’il annonçait le Concile Oecuménique.  Dans les diverses versions provisoires du Nouveau Code, dans la section sur la vie religieuse, on distinguait toujours les Instituts de vie active et ceux de vie contemplative, et aussi les instituts monastiques.  Malheureusement, pour diverses raisons, tout juste dans la version finale du Code, la section sur la vie monastique fut éliminée, ce qui est malheureux , car s’appliquent alors à nous diverses prescriptions du Code qui ne correspondent vraiment pas à notre tradition monastique.  C’est pourquoi il était important d’affirmer dès le début de nos Constitutions (approuvées par le Saint Siège), que nous sommes un « Institut monastique ». 

 

            Comme parmi les communautés monastiques il y a diverses traditions, et que plusieurs Congrégations monastiques, de par leur vocation propre, ont une activité pastorale – soit des écoles, soit des paroisses -- nous affirmons dès le point de départ que la vocation propre de notre Ordre est d’être « intégralement ordonné à la contemplation ».  Ce qui veut dire que nous n’avons pas un but secondaire précis, comme, par exemple, l’activité missionnaire ; mais que tous les aspects de notre vie sont directement orientés vers l’union contemplative avec Dieu.

 

            Nos Constitutions sont très « personnalistes » ; c’est-à-dire qu’elles évitent dans toute la mesure du possible de parler de réalités abstraites ou impersonnelles et se préoccupent directement du moine et de la moniale et de ce qu’ils ont à vivre.  C’est pourquoi, après cette première affirmation sur ce qu’est notre Ordre, la phrase continue : « c’est pourquoi les moines (moniales) dans l’enceinte du monastère se consacrent au culte divin.

 

            « ... dans l’enceinte du monastère » : Tout  ce qui fait l’essentiel de la vie du moine se déroule à l’intérieur de sa communauté, dans le monastère, même s’il est appelé à en sortir -- rarement ou souvent selon les situations -- soit pour des raisons de santé, d’étude, de travail, de charité.  Dans ce monastère les moines se consacrent au culte divin.  L’expression «se consacrent » a été choisie avec soin.  Il ne s’agit pas simplement de s’adonner à quelque chose mais d’en faire l’occupation qui donne son sens à notre vie et qui « nous met à part » (c’est la signification du mot consacrer), non pas dans un sens élitiste, mais dans un but bien précis.  Et ce but, c’est de « rendre un culte à Dieu ».  Le culte dont il est question ici, est beaucoup plus que le culte liturgique.  C’est en effet toute notre vie qui doit être un culte. 

 

            Cette vie, « au service humble et noble de la divine Majesté » est vécue dans la ligne de la Règle de saint Benoît et donc dans la solitude et le silence, dans la prière assidue (i.e. une prière continuelle scandée par de nombreux moments de prière commune), et une « joyeuse pénitence ».  La pénitence qui rendrait triste ne serait pas chrétienne, car Jésus a voulu que nous soyons heureux et même que notre joie soit parfaite.

 

            Tout cela nous le vivrons dans la forme de vie monastique (monasticam conversationem) telle que décrite dans les Constitutions suivantes.