13 octobre 2002 – Chapitre à la Communauté de Scourmont

 

L’expérience du renouveau

 

(Commentaire du nº 4 du Prologue des Constitutions)

 

Le présent recueil de constitutions et de statuts est le fruit de l'expérience de ces années de renouveau. Il est à souhaiter qu'il soit un instrument efficace permettant à l'Ordre d'atteindre sa fin selon l'esprit du second Concile du Vatican et de se montrer de plus en plus apte à mener à bien sa fonction propre dans l'Église et le monde.

 

            Dans ce dernier petit paragraphe du prologue historique de nos Constitutions se trouve d’abord affirmé le fait que ce recueil, voté en 1987 puis approuvé et publié en 1990, est « le fruit de l’expérience de ces années de renouveau » (i.e. depuis Vatican II).  Ce qui est venu en premier lieu, c’est un effort de renouveau, sans doute toujours imparfait et toujours à poursuivre, mais réel.  Les diverses normes (qu’il s’agisse de Constitutions ou de Statuts) qui furent élaborées entre les années du Concile et 1990, puis réunies dans ce qui est justement appelé un « recueil » sont simplement le fruit de ce mouvement de renouveau. 

 

            Vient ensuite un souhait, toujours valable. C’est que ce recueil, comme tout l’effort dont il est le fruit, soit un instrument efficace – car ce n’est rien d’autre qu’un instrument – qui permette à l’Ordre, c’est-à-dire à l’ensemble des moniales et des moines qui forment l’Ordre, d’atteindre la « fin » de la vie cistercienne.  Cette fin a été définie dans la Déclaration de 1969 comme l’expérience du Dieu vivant, ce que d’autres auraient appelé une rencontre contemplative de Dieu.  Cette fin, nous voulons la chercher dans l’esprit du second Concile du Vatican  qui est fait d’ouverture à l’Esprit Saint et de foi en son action non seulement dans l’Église mais aussi dans le monde.

 

            Il est également souhaité dans ce texte que ces Constitutions permettent à l’Ordre de « de se montrer de plus en plus apte à mener à bien sa fonction propre dans l'Eglise et le monde ».  Il fut de mode, durant un certain temps de dire que « la fonction propre des moines est de ne pas avoir de fonction ».  C’est là l’une de ces phrases faciles et en apparence percutantes, qui deviennent facilement populaires, mais qui ne disent absolument rien.  En réalité, que nous l’acceptions ou non, nous avons – et précisément en tant que moines – une fonction propre non seulement dans l’Église mais aussi dans le Monde ;  et si nous ne remplissions pas cette fonction (qui sera décrite dans la première partie des Constitutions) notre vie est sans signification et nous sommes donc, en toute logique, « insignifiants » -- ce qui, dans l’univers chrétien, qui est un univers de signes (univers sacramentel) est très grave.

 

            Depuis la rédaction des Constitutions, divers autres « Statuts » ont été rédigés, votés, puis périodiquement modifiés, jalonnant en quelque sorte les étapes de notre renouveau, et développant d’une façon plus élaborée des principes énoncés de façon générale dans le texte des Constitutions.

 

            Il y a eu le Statut sur les Fondations, publié en 1987, au moment où nous votions le texte des Constitutions à présenter au Saint-Siège.  Ce texte, guidant la façon dont une communauté en engendre une autre et donnant des orientations tirées de l’expérience sur l’aide à apporter aux communautés naissantes ou en voie de développement, a été constamment revu. 

 

            Puis a suivi le Document sur la Formation (appelé Ratio), qui décrit d’une part le processus de croissance spirituelle à laquelle doit normalement conduire la pratique de la vie monastique, et l’aide qu’une communauté doit apporter à ses membres à chacune des étapes de cette croissance, non seulement durant les étapes de formation initiale, mais depuis l’entrée au monastère jusqu’à la mort.

 

            Un support important à la qualité de vie spirituelle de chaque communauté de notre Ordre dépend de ce qu’on appelle la « filiation » ou la relation de chaque communauté avec une autre appelée « maison-mère » (qu’elle ait été ou non la maison fondatrice).  Cette relation s’exprime d’une façon privilégiée dans la Visite Régulière.  C’est pourquoi nous avons rédigé une nouveau « Statut de la Visite Régulière » pour nous assurer qu’elle porte vraiment des fruits.

 

            Les communautés de notre Ordre sont matériellement autonomes et doivent donc veiller à s’autofinancer, ce qui n’est pas facile dans le contexte économique actuel.  Il faut voir à trouver et exercer un travail qui permette de vivre, tout en étant compatible dans sa finalité et ses modalités avec les orientations fondamentales de la vie monastique, et qui permette aussi d’assister les plus pauvres que nous et de remplir nos obligations sociales envers les populations environnantes.

 

            Ce sont là, entre bien d’autres, les principaux documents qui ont jalonné le renouveau spirituel de l’Ordre au cours des quarante dernières années.  Personnellement, j’ai eu la grâce (car je considère cela vraiment comme une grâce) de participer activement à la rédaction de chacun de ces documents.  J’y ai toujours vu non pas un « travail de juristes », mais une contribution à la qualité de vie de toutes nos communautés et donc de tous les moines et les moniales de notre Ordre, et donc à la qualité de la vie spirituelle au sein de notre Ordre.  Cette expression commune de la conscience que nous avons des exigences concrètes de notre vocation monastique, à travers des textes travaillés et retravaillés dans les communautés, puis les Conférences Régionales avant d’être votés par les Chapitres Généraux est une très belle expression de la communion dans un même charisme.

 

Armand VEILLEUX