7 avril 2002 – Chapitre à la communauté de Scourmont
Le bon zèle (RB
72)
Il est communément admis que le Chapitre 72 de
la Règle est le dernier chapitre écrit par saint Benoît. En effet, le chapitre 73, qui clôt actuellement
la Règle, avait été écrit auparavant, et concluait la Règle, après le chapitre
66, avant l’addition de la section constituée par les chap. 67-72, qui est
la section où Benoît, en fin de vie, souligne d’une façon privilégiée les
relations horizontales au sein de la communauté. Nous pouvons donc considérer ce chapitre 72, comme le testament
spirituel de saint Benoît. Il y reprend,
dans une perspective beaucoup plus large des citations bibliques qu’il avait
utilisées ailleurs dans la Règle, les appliquant à des situations plus précises
et limitées.
Le mot « zèle », de par son étymologie
grecque, signifie l’ardeur du feu, et désigne donc quelque chose qui brûle.
Benoît ouvre ce chapitre fort bien construit par l’affirmation qu’il
y a « un zèle mauvais et amer qui sépare de Dieu et conduit en enfer »
et « un bon zèle qui sépare des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle ». Ce « bon zèle », dont il parlera durant le reste du chapitre,
est le feu intérieur qui anime toutes les dimensions de la vie et particulièrement
les relations fraternelles. La présence
de ce feu intérieur conduit à la plénitude de la charité et à la joie ;
son absence conduit à un enchaînement de frustrations.
À ce point de la Règle, nous savons que Benoît
est un homme pratique et réaliste, qui ne « supernaturalise » pas
les difficultés d’une vie communautaire.
Il est bien connu que lorsqu’on entre dans une communauté, surtout
si elle a une bonne qualité humaine et un bon tonus spirituel, on y entre
facilement avec un préjugé favorable et une certaine naïveté, qui nous fait
facilement passer par-dessus les difficultés.
Puis vient assez rapidement la découverte des limites des personnes
qui nous entourent et même de l’institution communautaire – découverte qui
engendre facilement une certaine frustration.
Pour poursuivre dans la joie, le coeur élargi – comme dit Benoît -- il faut développer une « seconde naïveté », une naïveté
consciente et voulue, qui sait percevoir tout le positif et toutes les beautés
derrière une superficie parfois rugueuse, aussi bien de la communauté que
des individus. C’est le processus
si bien décrit dans le Prologue de notre Ratio (document sur la formation) :
« Dans cette école de charité, moines et moniales progresseront
dans l’humilité et la connaissance d’eux-mêmes.
Au fur et à mesure qu’ils découvriront les profondeurs de la miséricorde
de Dieu dans leur propre vie, ils apprendront à aimer.
Détachés peu à peu des fausses sources de sécurité, ils grandiront
en dépendance vis-à-vis de Dieu et courront, le coeur dilaté, dans la voie
de son service. »
Après cette affirmation initiale sur le mauvais
et le bon zèle, la suite de ce chapitre comprend huit brèves maximes dans
lesquelles Benoît résume toute sa Règle, dans une perspective d’amour de Dieu
et des frères :
1) Ils
se préviendront d’honneurs mutuels
Cette maxime met l’accent sur un fondement
important de toute relation fraternelle et de toute forme d’amitié ou d’amour :
le respect de l’autre. Le verbe
« se prévenir » nous invite à imiter le Christ qui nous a aimés
le premier. Si cette maxime était
mise en pratique dans certains conflits internationaux actuels, comme celui
de Palestine, par exemple, au lieu de continuer l’escalade de la violence
aussi longtemps que l’autre n’a pas fait le premier pas dans l’arrêt de la
violence, il y aurait beaucoup moins de violence et de carnage.
2) ils
supporteront sans aucune impatience leurs infirmités corporelles et morales
Toute personne est beaucoup plus grande
et plus belle que ses défauts visibles laissent voir. La patience à l’égard des infirmités de l’autre
est une forme de fidélité dans le respect et la charité, et conduit à la découverte
de la véritable identité de l’autre.
3) ils
s’obéiront à l’envi
Dans le chapitre antérieur (71) Benoît
avait parlé de cette obéissance mutuelle « sachant que c’est par ce chemin
qu’on va à Dieu ».
4) personne
ne recherchera ce qu’il juge être son avantage, mais plutôt celui d’autrui
Voir le
chap. 2 de la lettre aux Philippiens.
5) ils
pratiqueront la charité fraternelle chastement
caste : signifie gratuité, don désintéressé, sans
exigence de retour, sans égoïsme.
6) avec
amour ils craindront Dieu
7) ils
affectionneront leur abbé d’une charité sincère et humble
8) ils
ne préféreront rien au Christ
Cette petite phrase révèle bien la place toute
centrale du Christ dans la Règle, même s’il n’est pas mentionné explicitement
très souvent.
Que celui-ci
(le Christ) nous fasse parvenir tous ensemble à la vie éternelle.
C’est là le but !