25 novembre 2001 – Chapitre à la Communauté de Scourmont
Du rang dans la communauté
(RB 63)
Le
titre du chapitre 63 de la Règle de saint Benoît est « Du rang dans la
communauté ». En réalité, le contenu de ce chapitre est beaucoup plus
riche que ce titre ne laisse penser. Il est vrai, comme nous l'avons souvent
vu dans notre commentaire, que la préoccupation du « rang » était plus grande
dans l'Empire romain à l'époque de Benoît, qu'elle ne l'est de nos jours,
au moins en Occident. De fait, elle l'était encore plus au Moyen Âge, en
particulier à l'époque de la fondation de Cîteaux. C'est de cela que parle
ce chapitre, mais pas uniquement. Ce n'est même pas la préoccupation première.
On
pourrait dire que l'objet premier de ce chapitre est la qualité des relations
fraternelles au sein de la communauté. Benoît y reviendra dans le chapitre
72, sur le « bon zèle » que doivent avoir les moines, où la dimension théologique
apparaîtra encore plus clairement. Ici il assure la base humaine, pourrait
on dire. Un point commun à ces deux chapitres c'est qu'on trouve dans l'un
comme dans l'autre la petite phrase de Rom 12,10 : « Prévenez vous d'égards
les uns les autres », tiré d'un beau passage ou Paul invite les Romains
à vivre dans des relations d'amour fraternel fort et sincère.
On pourrait même dire que le
présent chapitre est un « traité de bonnes manières
communauté et surtout il doit
se rappeler qu'il aura à rendre compte à Dieu de son
Les
versets 10 à 17 du présent chapitre donnent des conseils pratiques sur les
relations entre les frères. Ces relations doivent être fondées sur une attitude
d'affection et de respect : « Les plus jeunes auront [donc] des égards pour
leurs anciens, les anciens auront de l'affection pour les jeunes ». Benoît
prévoit que les relations entre eux auront un caractère en quelque sorte «
formel » (au sens anglais du mot ... ). On ne s'appellera pas par son
petit nom. On se dira « père » ou « frère » ou « domnus » pour l'abbé, non à cause de ses qualités personnelles,
mais par respect pour le Christ dont il est le vicaire ou représentant en
communauté. Les sensibilités sont différentes de nos jours. Dans la plupart
des communautés, les personnes se tutoient et s'adressent par leur « petit
nom », sans utiliser de titres. Cette évolution est légitime ; mais pour conserver
une qualité je dirais même un noblesse dans les relations d'un groupe
d'homme (ou de femmes) qui vivent constamment ensemble, certaines attitudes
un peu « formelles » sont nécessaires.
On pourrait dire que, dans l'ensemble, dans nos pays
européens, les communautés cisterciennes, surtout « trappistes » sont caractérisées
par une grande simplicité, alors que les communautés « bénédictines » sont
caractérisées par une attitude un peu plus « solennelle ». Ce qui vaut pour
les relations quotidiennes comme pour la liturgie. Le danger pour nous, les
cisterciens, de nos jours, est, au nom de la simplicité, de perdre parfois
la qualité « formelle » des relations qui donnent sa dignité à un groupe comme
tel. En tout cas c'est vraiment la préoccupation de Benoît dans ce chapitre.
Les
derniers versets du chapitre sur l'attitude des « enfants » ou « adolescents
» en communauté ne s'applique évidemment plus de nos jours.